Road to Mandalay
de Midi Z
Drame
Avec Kai Ko, Wu Ke-Xi, Wang Shin-Hong
Sorti le 20 septembre 2017
Si le réalisateur taïwanais, né en Birmanie, Midi Z est un habitué des films à micro-budget, il débloque avec Road to Mandalay des fonds plus importants. Pourtant, le sujet reste assez similaire à ceux de ses trois films précédents tels que Ice Poison ou encore Poor Folk, à savoir la condition de vie du peuple birman, avec toujours cette référence à Lashio, la ville natale de Midi Z. De fait, Road to Mandalay c’est l’histoire de Liangqing (Wu Ke-Xi), une jeune Birmane, contrainte de migrer vers la Thaïlande. Sur la route, elle fait la connaissance de Guo (Kai Ko) qui est mû, à première vue, par les mêmes ambitions. Mais si pour Guo, la situation est temporaire, Liangqing, elle, ne jure que par l’obtention de papiers thaïlandais.
Que le spectateur ne se laisse pas berner par le titre ! Road to Mandalay ne se passe nullement en Birmanie mais bien à Bangkok. Et, pour changer, c’est un autre Bangkok que celui du paradis orgiaque pour touristes occidentaux que nous propose Midi Z : pas de filles, pas de ladyboys, pas de drogues,… Mais la caméra nous promène à travers les quartiers typiques où les locaux s’installent sur des chaises en plastique pour manger des nouilles à la baguette.
Mais c’est aussi un Bangkok qui ne fait pas de pitié, qui force les plus démunis à se faire exploiter. Midi Z dresse une belle critique de la condition de vie de migrants qui, s’ils étaient des animaux, seraient traités plus favorablement. Sujet à la peur d’être découverts et payés moins d’un euro de l’heure, ces êtres humains sont obligés de garder la tête haute et de continuer afin d’entretenir une famille restée en Birmanie, l’un des pays les plus pauvres d’Asie du Sud-Est. Et c’est l’égoïsme qui est finalement le mieux représenté dans ce film. Que ce soit les opprimeurs ou les opprimés, chacun essaye de se démener en ne payant attention à l’autre que si ce dernier ne représente pas un obstacle pour l’avenir. Et nulle amitié sincère ne peut réellement exister dans ce contexte. Le film est, en lui-même, une satire sociale qui crache à la figure du spectateur l’individualisme qui circonstancie la course à la réussite.
Mais ce regard critique, presque impitoyable, est contrebalancé par la délicatesse de l’image. Les personnages y sont placides, sans être inexpressifs : aucun dialogue n’est vain mais rien n’y est surplus. Midi Z privilégie des scènes lentes qui relatent des moments anodins mais qui, lorsqu’elles sont assemblées, en révèlent juste assez, ni plus ni moins, sur la teneur de la situation. Et pour conserver toute cette poésie, Midi Z apporte à l’une des rares séquences plus directement violentes un regard métaphorique, presque onirique, contrastant avec le réalisme exacerbé du film.
Road to Mandalay est donc, finalement, intéressant à voir tant pour des raisons visuelles que narratives. Néanmoins, c’est un long film qui ne sera pas apprécié de tous les publics, de par son aspect un peu apathique et dilatoire.