Scénario : Anaïs Flogny
Dessin : Anaïs Flogny
Éditeur : Dargaud, Combo
Sortie : 19 janvier 2024
Genre : Drame
Rivages lointains, ou virage soudain ? Le jeune Jules, comme tant d’autres a déserté l’Italie, attiré par ce que les États-Unis promettent aux ambitieux. L’Eldorado. Mais, à l’aube des années 40, le Chicago qui lui ouvre ses portes est aussi impitoyable que fiévreux. Le poste de livreur que notre pauvre Jules parvient à obtenir dans une boutique de liqueur lui laisse tout juste de quoi survivre. Il est loin de pouvoir s’offrir l’élégant costume du magasin qui attire toujours son regard, un costume comme celui de l’homme qui collecte chaque semaine une part des recettes du débit. Adam Czar. Le tronc droit. Un regard mystérieux caché par l’ombre de son Fedora. Une telle classe ne peut que susciter la convoitise. Alors Jules, dans un excès de spontanéité presque dangereux, l’intime de l’engager. Et c’est comme ça que l’innocent « rital » qui n’avait d’Al Capone que la balafre, a pénétré le très sélect Outfit de Chicago.
Une narration
Très vite, entre l’élève et le maître, apparaît comme une forme de promiscuité défendue dans ces milieux-là. Ils jouent un jeu dangereux qui malheureusement les rattrape. Et de l’Illinois, ils atterrissent à New York, où Adam a encore quelques vieilles relations. Sauf que, si à Chicago les Italiens sont très mal reçus, c’est loin d’être le cas dans la Grande Pomme. En fait, ce sont eux qui y dictent leurs lois. Pour pénétrer les familles mafieuses, il faut maîtriser la langue de De Vinci. Jules devient alors le principal négociateur. Mais la relation intime et professionnelle des deux hommes pourra t-elle survivre à l’inversion des rôles ? Avec cette question, le récit passe enfin la deuxième. Elle le redresse, comme le climax permettant à une première partie qui s’essouffle de se faire un peu oubliée. Car, d’un coup nous voilà propulsés au cœur d’un ouvrage dont la force est la narration.
Un sens du rythme
Du moins l’une de ses forces. Ce serait malhonnête de ne pas lui reconnaître aussi sa maîtrise du rythme. Des zooms. Une voix-off à fonction commentative. Des angles de vue particuliers. Un arrêt sur image qui permet la lecture du titre. Anaïs Flogny a emprunté au cinéma ce qui pouvait être transposé à la bande dessinée. Et il faut dire, non pas sans succès. Rivages lointains prend des airs de Scorsese et Jules, quelques mimiques de De Niro jeune. Graphiquement, c’est convenable. Mais narrativement, Rivages Lointains nous emporte.