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    Retour sur le XS Festival

    Les 13, 14 et 15 mars au  se tenait le XS FESTIVAL. Ce festival est consacré à des formes théâtrales courtes. Ce format étant plutôt rare dans les théâtres, le XS nous offrent des spectacles très peu joués ailleurs et qu’il ne faut donc pas louper.

    Les règles sont claires. Le festival accueille des spectacles d’une durée de 5 à 30 minutes, et sans distinction de disciplines. Programmation qui inclut du théâtre, de la danse, du cirque et des marionnettes. Le critère essentiel,  qui fait justement la force du festival, est que ces spectacles doivent être des formes finies. Pas question ici de venir présenter les vingt premières minutes de son prochain spectacle.

    Parmi les artistes invités, on retrouve évidemment de nombreux artistes et compagnies belges tels que Transquinquennal, David Murgia, Ontroerend Goed, Thibaut Wenger ou encore Salvatore Calcagno. Et sont également présents d’autres noms du théâtre francophone contemporain tel que Michele Noiret ou Julien Gosselin.

    Les Coups de cœur

    Notre coup de coeur des coups de coeur du XS 2014 est le spectacle de marionnette Dans l’atelier du Tof théâtre. Dans ce spectacle conçu par Alain Moreau, les deux actrices/manipulatrices Sarah Demarthe et Emilie Plazolles tentent de fabriquer une marionnette. Seulement, la marionnette a décidé d’achever elle-même sa fabrication, et les 18 minutes du spectacle vont se transformer en un combat haletant, drôle et jusqu’au-boutiste entre la marionnette et ses créateurs. Jouissif.

    Gagnant du Magritte du Meilleur espoir masculin en 2013 et comédien du meilleur spectacle aux prix de la critique 2013, David Murgia signe L’Âme des cafards. Ici pas d’artifice exagéré, pas de parti pris radical, mais juste du pur théâtre de conteur très bien maitrisé. Pendant un quart d’heure, le spectateur est suspendu aux lèvres de David Murgia qui raconte de l’Italie aux salles d’attentes d’Actiris en passant par les cages d’escaliers squattées par ces cafards inactifs. C’est drôle, émouvant, intelligent.

    Le XS festival, c’est aussi la possibilité de voir des formes originales, loin de la scène de théâtre classique. Dans ce registre, deux spectacles se sont particulièrement fait remarquer cette année. Dans E.H., Emilie Hermans s’installe dans le bureau du directeur pour s’entretenir avec une quinzaine de spectateurs. Comme si elle postulait pour un job, elle nous raconte son parcours, nous dit quelles raisons l’ont poussées à se retrouver là devant nous, les limites qu’elles a atteintes, celles qu’elles a repoussées, le harcèlement, etc. La proximité entre les spectateurs eux-mêmes et avec la comédienne met tout le monde à égalité, et ce déballage d’intime (réel ou fictionnel peu importe) prend tout son sens dans ce bureau du XS.

    A Game of you est la forme la plus éloignée du théâtre classique que nous ayons vu cette année. Avant le spectacle, vous devez déjà vous perdre dans les couloirs et les étages, demander trois fois votre chemin et vous arriverez (si tout va bien) dans dans les sous-sols du Théâtre National, là où l’on stocke les décors et autres accessoires. Dans un précèdent spectacle Audience, la compagnie Ontroerend Goed piégeait le public en lui octroyant le sujet principal afin d’interroger la place de chacun dans un groupe et par là, dans la société en général. Ici, le spectateur déambule seul de pièce en pièce et croisent des personnes, (acteurs ou spectateurs, on ne sait pas toujours mais c’est là que réside l’intérêt), étant tantôt voyeur tantôt voyant. Dans ce A Game of you, c’est l’individu dans sa particularité qui est disséqué, mettant alors en évidence la manière dont on se perçoit et dont les autres nous perçoivent.

    Le dernier coup de coeur de ce XS 2014 est un spectacle de théâtre abordant la sexualité, le paraitre, la solitude et l’amour. Dans En douceur et profondeur, il y a un homme (Pierre Haezaert) qui vient de recevoir sa femme manufacturée par colis postal et une femme (Isabelle Wéry) qui nous explique ses multiples recours à la chirurgie esthétique. Dans cette mise en scène très maitrisée, les très bons comédiens alternent leurs prises de parole, chacun prenant tantôt le rôle du vivant, tantôt le rôle de l’être fantasmé ou fabriqué. Cette première collaboration entre Lionel Lesire et Inès Rabadan est réussie. C’est drôle, touchant, un peu grinçant et intelligent.

    Les déceptions

    Qui dit « artistes attendus » dit aussi déceptions. Il y avait tout d’abord Salvatore Cacalgno, primé « découverte de l’année » aux prix de la critique 2013 pour l’excellent spectacle La Vecchia Vacca. Il est revenu ici, avec les mêmes comédiens ou presque, avec Tragédie musicale, mais seulement n’a pas réussi à convaincre. Les textes étaient vides d’intérêt, les situations pas très claires et l’ensemble un peu ennuyant. Pour sauver un peu le metteur en scène que nous aimons bien, nous pourrons toutefois souligner la présence de cette même atmosphère très particulière naissant du mélange de culture et de langue italienne et des cultures belges et francophones, des costumes mélangeant les époques et la diversité musicale.

    Avec Dors mon petit enfant, Thibaut Wenger, le metteur en scène de Platonov (ou presque) présente à l’Océan Nord en octobre 2013 n’a pas autant emballé les spectateurs que dans ses spectacles précédents. Avec des dialogues redondants et un jeu forcé, l’ensemble ne nous touche pas réellement et n’arrive pas à créer une attention et un intérêt permanents que l’on devrait trouver dans un spectacle court.

    Michele Noiret est une chorégraphe bien connue des scènes bruxelloises, où elle vient régulièrement présenter ses créations depuis la fin des années 1990, dont Hors-champ l’année dernière au Théâtre National. Dans Carte de visite, cette adepte des nouvelles technologies revient à un spectacle très classique. Elle se présente aux spectateurs seule et en son propre nom, parlant d’elle et faisant quelques chorégraphies. Ici, j’utiliserai exceptionnellement la première personne car je n’aime personnellement par l’univers de cette artiste. Je n’accroche ni à sa vision du théâtre et de la danse, ni à son humour. On ne sait pas où l’on va et l’on ne nous raconte au final pas grand chose.

    Du bon et moins bon

    Parce que le XS Festival c’est quand même 18 spectacles, il y a une grande diversité de genres : des installations sonores et visuelles, du théâtre individuel, des marionnettes, de la danse, des fausses conférences, des lectures. Pour cette raison, il y a parfois des spectacles avec de bonnes idées, de belles émotions mais qui ne sont pas forcément parfaits.

    Dans Aux yeux de tous d’Anthony Foladore, trois personnages de trois générations différentes nous racontent leurs parcours et surtout leur lien avec ce village où ils vivent et ont vécu. Malgré quelques maladresses et un spectacle qui n’a rien de très singulier, ces récits ont le goût de l’authenticité, ils sont touchants, et on vibre avec eux.

    Les membres bien connus de Transquinquennal sont, quant à eux, venus avec un spectacle-conférence sur La Question du contenu. Pendant 15 minutes, les acteurs ont montré et parlé d’une vidéo d’un médecin éclatant le plus gros kyste démesurément rempli de pu. En faisant cela, les quatre acteurs ont réussi à créer un réel malaise dans la salle. Ce passage a provoqué de vives réactions de la part de certains spectateurs, et a entrainé un débat dans la salle, et tout cela pour une question de contenu. L’ensemble est peu ennuyant et peut-être un peu trop bordélique mais Transquinquennal réussit ici un petit tour de force à saluer.

    Pour finir, nous parlerons de l’installation Je ne vous ai jamais aimé. Acclamé au dernier Festival d’Avignon pour son adaptation théâtrale de Les Particules élémentaires de Michel Houellebecq, Julien Gosselin nous proposait une petite forme expérimentale. Les spectateurs, au nombre de 30 se placent dans des canapés et sur des coussins à même le sol. Dans leur dos, deux musiciens improvisent en live. Face à eux, des vidéos sur lesquelles défilent le texte de Pascal Bouaziz. Il n’y a ni récitant, ni voix enregistrée. La lumière est faible et dans cette petite salle du Théâtre National, on se sent alors comme dans un cocon. Après, c’est à chacun d’être touché ou non par ce spectacle. En tout cas, c’est un parti pris radical qui donne envie de continuer à suivre Julien Gosselin de près.

    Baptiste Rol
    Baptiste Rol
    Journaliste du Suricate Magazine

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