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    Retour à Reims, un monologue à plusieurs voix, au Varia du 3 au 21 octobre

    D’après Didier Eribon, adaptation et mise en scène de Stéphane Arcas, avec Marie Bos, Julien Jaillot, Nicolas Luçon, Thierry Raynaud, Fyl Sangdor, Claude Schmitz, musique live Michel Cloup, Julien Rufié. Du 3 au 21 octobre 2017 au Varia.

    Retour à Reims, sur fond rouge ouvre la saison du Varia en transformant la scène en un espace très particulier, détérioré par le temps et par la poussière. On dirait un vieux grenier, ou un repaire de voleurs, ou encore une salle de spectacle ravagée et abandonnée. On y voit quelques meubles par-ci et par-là, un petit mur circulaire construit au centre de la scène, des déchets noirs partout qui semblent tombés du ciel. C’est de la cendre, peut-être. Tout nous parle d’un temps où les choses étaient différentes, où elles étaient en ordre, à leur place, propres. Qu’est-ce qu’il s’est passé entre-temps ?

    On a à peine le temps de se poser cette question que les musiciens sur scène remplissent le silence en jouant des notes précises, nettes, longues. On est tout de suite amené dans l’ambiance de cet espace autre (ou contre-espace, comme Stéphane Arcas le suggère) qui pourrait être la mémoire, là où la pensée est libérée de tout schéma et où l’on peut construire une utopie.

    C’est dans cet espace que le protagoniste commence à nous raconter son histoire et l’histoire de sa famille, sa « montée » à Paris , son émancipation de la classe ouvrière de laquelle ses parents (et ses grands-parents avant eux) font partie. On parle de « honte sociale qui se transforme en fierté politique », de « dissidence sexuelle », de « transfuge de classe ». Le texte, très intense et dense, dur et sensible, intimiste et engagé, rappelle vaguement le style de Pasolini.

    Retour à Reims est un monologue à plusieurs voix où la parole est distribuée entre trois comédiens, deux hommes et une femme. Cette pluralité d’interprétations est très captivante et rend le spectacle plus dynamique. Par exemple, le fait que ce soit parfois un homme et parfois une femme à parler d’homosexualité donne un aperçu beaucoup plus vaste de cette thématique.

    En parallèle au monologue du protagoniste, on assiste à un spectacle de ventriloquie dans lequel un homme découvre une marionnette dans une boite. Dans un premier moment, il essaie de comprendre comment lui donner une voix, ensuite le pantin prend vie et les deux tombent amoureux. Oui, vous avez bien compris, l’homme et sa marionnette se lient d’amour. Après tout, on n’est pas libre d’aimer qui l’on veut ?

    S’il est vrai que le texte de Didier Eribon présente une oralité que l’on peut adapter à la scène, il est vrai aussi que l’adaptation d’un tel récit est un travail ambitieux. Ce monologue aborde des thématiques socio-politiques très importantes, notamment l’homosexualité, l’émancipation de ses propres origines, l’existence de classes sociales, le vote et les partis politiques, mais aussi des réflexions philosophiques autour de l’hétérotopie et de l’utopie. Le texte questionne aussi la relation au corps et à la mémoire. Toute cette richesse de thématiques est sans aucun doute remarquable mais, bien qu’il y ait une certaine cohérence dans l’écriture et un fil rouge dans la narration, il est parfois compliqué d’absorber tant d’informations dans l’espace d’une seule pièce de théâtre.

    Bien que la scénographie et les lumières soient extrêmement intrigantes, et malgré le jeu d’acteur frontal et digne de mention (en particulier on remarque un incroyable Thierry Raynaud), par moments on est perdu face à tant d’éléments. Chaque thématique abordée suscite un intérêt certain, les décors sont admirables et la mise en scène est captivante, mais par moments la densité de Retour à Reims risque de pénaliser son intensité.

    Elisa De Angelis
    Elisa De Angelis
    Journaliste du Suricate Magazine

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