Rester vivants
de Pauline Beugnies
Documentaire
Sorti le 6 décembre 2017
Pauline Beugnies est belge, elle est née à Charleroi. Après des études de journalisme et photo-journalisme, elle part s’installer au Caire avec un projet sur la jeunesse Egyptienne. En 2011, la révolution éclate. Entourée d’autres journalistes, Pauline réalise un web doc sur de jeunes acteurs de la révolution, mais en 2013, alors que Sissy reprend le pouvoir grâce à l’armée, Pauline, comme tant d’autres, rentre en Belgique. Rester vivants est le premier documentaire de la réalisatrice, elle est retournée à la rencontre de ces activistes que l’histoire occidentale a presque déjà oubliés. Face aux images de leur propre jeunesse, le dialogue d’adulte s’ouvre alors à des rêves perdus et la peur du lendemain.
Ils s’appellent Ammar, Eman, Kirilos et Soleyfa, ils sont égyptiens et chacun d’entre eux représente une des multiples facettes de la révolution. Aujourd’hui, le temps a passé, ils ont grandi, vieilli ; sont devenus adultes, mères, pères ; certains sont partis, d’autres sont restés, d’autres encore ne sont plus nulle part. Mais une chose est sûre, même si certains le simulent, personne n’a oublié.
A nos regrets, Rester vivants n’a pas de trame narrative ; pas d’acte, de crise ni même de résolution, l’histoire a déjà eu lieu. Le temps est à la réflexion et aux retours sur l’affaire. A la manière d’une table ronde 2.0 où personne ne se fait physiquement face, le dialogue n’est ouvert qu’à nous autres spectateurs, ne laissant aux protagonistes pour seul interlocuteur que leur double, au passé révolu, persuadé d’un avenir meilleur. L’exercice semble masochiste mais apparemment, « occidentalement » nécessaire. Il ouvre les protagonistes à de souvenirs enfouis, douloureux, teintés, à tort, d’échecs.
Si le format cinématographique semble grinçant en ce qu’il impose un ordre à des instants qui sont finalement face à face, passant d’un personnage à l’autre, d’une époque à l’autre par de petits inserts qui se délectent de l’effet de style, mais sans réelle impulsion de nécessité. Le mouvement se joue du focus et ces gestes, comme autant d’actes de résistances, existant dans un espace qui va au-delà de la spatialité du film. Rester vivants est un petit bijou photographique que l’on voudrait éclater dans l’espace physique ; leurs regards face à leurs propres reflets, les paroles confrontées, et une gestuelle qui laisse le temps de s’observer. La matière sonore qu’il contient est d’une richesse rare en ce qu’il se joue sur l’infra-mince ; la révolution se trame par-delà les mots, les rires, les pleurs et même les silences.
Rester vivants fait partie de Génération Tahrir, un projet transmédia plus large autour de la jeunesse égyptienne qui a notamment pris la forme d’un livre établissant le dialogue entre les images et textes de la réalisatrice avec les dessins d’Ammar.