Le Festival In.Out.Sider a lieu à Bruxelles du 12 au 16 octobre 2022. Les intervenants –plasticiens, musiciens ou autres – ont en commun le statut d’handicapés. Il s’agit de leur donner une place plus ancrée dans le champ culturel. Jonathan Loppin, artiste et commissaire, a orchestré la curation de Rendez-Vous-Ailleurs, l’exposition au cœur du Festival. Il souligne que le titre – de l’évènement comme de l’exposition – a été délicat à choisir, car il devait être à la fois représentatif d’une marginalité et ne pas stigmatiser ses participants. Nous inviter vers un ailleurs au contour flou et poétique, c’est l’objectif et le fil rouge de cette approche avant tout déroutante et atypique.
Des œuvres singulières
La sélection des œuvres, sans qu’elle soit guidée par une expertise particulière dans le champ du handicap, signe une programmation mixte et diversifiée. Le travail d’un homme et d’une femme de chaque centre de jour a été sélectionné grâce à un site web d’une grande précision. La salle de la Vallée permet de rentrer dans l’univers individuel de chaque artiste. Chaque petit espace constitue une exposition monographique sans pour autant exclure d’autres travaux. Les pièces s’exposent sur un pan de mur distinct, ce choix scénographique permettant de ne pas les mêler les uns en autres et d’en cerner la force sérielle. La disposition de l’éclairage qui évite une forme directionnelle permet d’avoir une vue d’ensemble sur les œuvres et d’y déceler un bouillonnement esthétique.
L’obsession du motif
Les gestes sont tout autant graphiques que scripturaux, grattant la matière de façon à former des fils serrés ou la projetant pour combler la surface dans son entièreté. Ce que l’on retient au premier regard, c’est l’obsession du motif : les animaux chimériques de Magali Vlies, les coups de peinture monocycliques de Willy De Smedt, ou les collages d’Annie Servais, soulignent l’importance du rituel dans la démarche artistique. Focalisés sur un élément précis de leur environnement, l’imaginaire plastique des artistes détourne cet environnement selon une forme qui mêle une technique déconcertante et des rêveries espiègles.
Les séries ne sont pas exhaustives quant à la production vaste de chaque artiste, mais elles permettent de décrypter une sensibilité unique. Le mélange de matières – stylo bic, pastel, acrylique – forme des assemblages picturaux riches en interprétations. L’analyse des œuvres est complexe tant le cheminement de pensée diffère de celui des artistes professionnels. Un regard critique pourrait d’ailleurs en neutraliser la dynamique primitive.
La création brute
À l’instar des œuvres de grands noms comme Jean Dubuffet, Yamashita Kiyoshi ou Claude Viala, les œuvres exposées dans Rendez-Vous-Ailleurs semblent recouvrir toute l’énergie que les artistes emploient dans leur création. La matière devient un espace d’expression brut. L’accent n’est pas mis sur le versant thérapeutique – même s’il est bien évidemment présent – mais plutôt sur le caractère imprévisible de l’expérience esthétique. Si le terme art brut est souvent mal utilisé, il décrit bien le mouvement spontané des corps et l’intention guidée non pas par les dictats du monde de l’art contemporain, mais par un esprit créatif instinctif. Cette orientation bouscule les représentations et est vectrice de changements fondamentaux dans la nature formelle de l’art.
Infos pratiques
- Quoi ? Rendez-Vous Ailleurs dans le cadre du Festival In.Out.Sider
- Où ? À la Vallée, rue Adolphe LaVallée, 1080 Bruxelles.
- Quand ? Du 12 au 23 octobre 2022
- Combien ? Gratuit.