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    Rencontre avec An Pierlé

    Décidément, l’année 2013 aura été une année faste pour An Pierlé. Après la sortie de son album Strange Days, sorti en février, voilà qu’elle sort un nouvel EP de 7 titres, baptisé Strange Ways (voir notre chronique).

    Après l’avoir photographié lors de son passage à l’Ancienne Belgique en mai dernier, j’étais impatient de revoir An après son concert au Centre Culturel de Dinant, et parler ainsi avec elle de ce disque et de ses projets futurs.

    Bonjour An Pierlé! Content de te retrouver après ce chouette concert que tu as donné ce soir à Dinant.

    Oui, le public était très bien en effet!

    Parlons de ton nouveau disque Strange Ways que tu as sorti cette année. Lors de notre entrevue en octobre 2012, tu m’avais dis que tu avais dû faire une sélection parmi les chansons que tu avais composé et que tu préférais garder les autres pour plus tard. Ton dernier album, Strange Days, est sorti en février de l’année passée.

    Hors, voilà qu’en octobre de la même année, son compagnon, l’EP Strange Ways sort également avec ces quelques chansons dont tu parlais. D’habitude, tu laisses passer plus de temps entre la sortie de tes disques. Qu’est-ce qui t’as poussé à sortir ce nouvel EP en si peu de temps?

    J’avais besoin en quelque sorte de vider le placard pour faire de la place. Car je suis en train de faire plein de projets à la fois. En plus, je ne pense pas refaire un album piano-voix de sitôt. Si je refais ce concept pour un prochain album, je veux que ce soit de nouvelles chansons et non pas des chansons revisitées. J’ai pensé aussi que, puisque l’on est en tournée, c’est une bonne manière de ramener l’attention vers sois parce qu’un album est mort après six mois. (Au point de vue commercial, j’entend) S’il n’y a pas de gros tube dessus, les radios ne le diffusent pas et il part dans l’oubli. Et donc voilà, tout est parti d’une envie. Et puis j’étais un peu triste que The Cold Song et Weather Chemistry n’étaient pas sur l’autre album. Mais il fallait faire des choix pour maintenir une cohérence.

    Justement, au sujet de Cold Song, cette chanson a une atmosphère particulière. Tu t’es basée sur un morceau de Purcell n’est-ce pas?

    En effet, j’ai découverts Purcell (et donc cette chanson) parce Klaus Nomi en a fait une superbe et touchante reprise. Et ce n’est que dix ans plus tard que j’ai su que c’était une chanson de Purcell. J’aimais beaucoup ce morceau et je cherchais un moyen de montrer au public que c’était également une chanson pop. Donc, j’ai travaillé et j’ai obtenu un résultat qui me satisfait. Et j’aime bien la jouer régulièrement.

    C’est vrai que ce que tu en as fait est très réussi. Et en même temps, j’ai envie de dire que You Just Wait (qui clôture Strange Days) et The Cold Song (qui ouvre Strange Ways) se marient bien quand on enchaîne les deux disques. Il y a une forme d’uniformité malgré ces atmosphères particulières.

    C’est exact, mais cela est sans doute dû au fait qu’elles sont issues d’un même groupe de chansons que j’ai travaillé à un moment donné. Il faut dire aussi que l’espace entre les albums était aussi dû au fait que l’on était tout le temps en tournée et que l’on ne savait pas travailler de nouvelles chansons tout en tournant. Chaque étapes était faite indépendamment et cela prend plus de temps. Maintenant, on travaille différemment car les tournées s’enchaînent mieux. Le prochain album sera pour le printemps 2015.

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    Il faut reconnaître que les mélodies de tes chansons sont souvent assez élaborées et qu’il y a beaucoup de recherche dans les suites d’accords que tu joues.

    Peut-être, mais ce n’est pas toujours le fruit d’une réflexion. J’obtiens parfois des suites d’accords bizarres parce que parfois, quand je ne sais pas quoi jouer, je consulte un dictionnaire d’accords et j’en essaies quelques-uns que j’apprend pour trouver une suite qui me plaise. Bien entendu, je ne reste pas fidèle à ça, mais ça me sert de base pour trouver de nouvelles choses et cela fonctionne souvent bien. Comme je ne comptais pas refaire ce type d’album avant un certain temps, je trouve que lorsqu’on le fait, il faut que ça dégage quelque chose de fort et une certaine profondeur. Quand tu es seule, tu dois avoir quelque chose à raconter. Mais maintenant, j’ai envie de passer à autre chose et j’ai plein de projets qui commencent à prendre forme.

    Justement, je voulais aussi parler de tes projets futurs. J’ai vu sur Facebook que tu avais un projet avec des poètes. Qu’est-ce que tu comptes faire avec ce projet?

    En fait, on a toutes les démos du prochain album, et on souhaitait faire appel à des écrivains et des poètes pour écrire les paroles de ces chansons. Le principe est simple, chacun reçoit une chanson dont la mélodie est chantée ou sifflée. Et il s’en inspire pour écrire. On ne voulait pas mettre des textes tout faits sur notre musique. On souhaitait que ce soit un investissement commun et une création mutuelle. Je suis donc à la pêche d’écrivains. En Flandre et Hollande, j’ai déjà rassemblé ce qu’il me fallait. Il me faut encore quelques textes en France. Mais on va faire le même album en Français et en Flamand.

    Ahhh, voilà une bonne surprise! Je pensais justement te demander pourquoi tu chantais uniquement en Anglais, et voilà que tu décides de faire différemment. C’est une très bonne idée! Arno faisait cela aussi et malheureusement, cela ne se fait plus aussi couramment.

    En effet, mais je pense que c’est intéressant à faire. D’autant que la manière de chanter dans plusieurs langues est très différente. C’est ainsi que je me suis rendue compte que ce qui touchait le plus, c’était les sons. Et je cherche longtemps les sons justes. Et ici, c’est une grande adaptation que d’essayer de faire les sons des autres. Mais il faut se laisser du temps pour bien le faire et je suis certaine qu’au final, cela va bien marcher.

    Mais c’est vrai que ce n’est pas toujours facile avec le Français à cause des sonorités comme « on » ou « eux » par exemple. En Anglais, tu as « I », « O »,.. c’est beaucoup plus ouvert. Et Catherine Ringer par exemple, arrive a faire un Français en Anglais. Et je trouve ça super chouette à chanter. De plus, sa musique est fort basée là-dessus aussi. Mais beaucoup d’écrivains n’arrivent pas à faire ça. Moi, si j’écris en Français, j’y arrive en terme de sonorités, mais ce n’est pas du « bon » Français. Ici, cela passerait, mais pas en France, je pense.Mais bon, il faut essayer et on verra ce que ça donne. Il faut expérimenter pour ne pas tourner en rond.

    J’ai fais la paix avec moi-même et je ne cherche plus à figurer dans le hit-parade. Bien que cet album sera plus pop. Mais je ne le fais pas en vue du succès. On verra!… L’important pour moi est de mêler de jeunes talents avec des écrivains plus expérimentés.

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    Cela permet d’avoir des approches très différentes et c’est très intéressant aussi. Et puis, peut-être que les thèmes abordés par ces auteurs seront très différents de ceux que tu aurais traités toi-même.

    Tout à fait, mais je leur laisse leur totale liberté à ce sujet. Je leur ai dis que je voulais bien des chansons rigolotes, mais aussi des thèmes graves du moment que c’était bien fait.

    Oui, de plus, tu as parfois une manière particulière d’aborder les thèmes graves sur scène avec humour. On l’a encore vu ce soir, à Dinant, on ne s’ennuie jamais à tes concerts. (rires) En même temps, peut-être qu’il est plus facile de blaguer sur des choses graves avec le public quand il est rentré dans l’ambiance et est plus détendu que dans le quotidien..

    Oui, mais parfois, les gens sont mal à l’aise également. Mais j’aime aussi créer ce malaise. Les gens doivent se réveiller! Je trouve que c’est parfois pénible de constater cela. Et donc, parfois, avec de l’humour, tu dis mieux la vérité.

    Penses-tu que du fait qu’il consomme la musique d’une manière différente aujourd’hui, le public a tendance à s’ennuyer plus vite qu’auparavant?

    Je pense à cela car parfois, en concert, ou en festival, je vois beaucoup de gens discuter, scruter leur smartphone ou qui écoutent mais sans avoir vraiment l’air d’être dans l’ambiance en restant statiques. Et je me demande parfois pourquoi ces gens paient aussi cher si c’est pour ne pas profiter de l’instant?

    C’est parce que les gens sont trop gâtés et préfèrent souvent « checker » quelque chose plutôt que d’écouter vraiment. Mais dans un sens, je comprend les gens qui ne réagissent pas de façon excessive en concert. Je suis comme cela aussi. Je me souviens de mon premier concert. J’étais allé voir Mylène Farmer avec mon oncle. Et à la fin du concert, il m’a demandé:  » Tu as bien aimé? Parce que je ne t’ai pas vu bouger… » En fait, j’avais adoré ce concert, c’était l’époque du premier album. Et je trouvais cette musique très intrigante et envoûtante. Donc je comprend les gens. Ce n’est pas parce qu’ils sont silencieux, qu’ils ne trouvent pas ça bien. Surtout avec une musique comme celle que je fais maintenant.

    Il faut savoir écouter …

    J’exige cela. Ces albums-ci se feront selon mes conditions. Ca ne sert à rien d’essayer de plaire.

    Je remarque aussi que peu importe ce que tu interprètes, que ce soit ta musique ou celle des autres, on reconnait toujours ton style. Par exemple, sur tes albums, je trouve qu’il y a une certaine cohérence qui en ressort et qui fait que l’on écoute non pas un seul « hit » (comme ces chanteurs à la radio), mais que l’on écoute plutôt l’album en entier.

    Je suis encore de cette vieille génération qui pense en terme d’album. J’aime garder cette cohérence.

    Comment s’est passé ta tournée en France?

    Très bien! j’ai eu de bonnes critiques. Les radios ont essayé de faire un maximum pour mettre une lumière sur ma musique (même si certaines ne peuvent diffuser ça à cause de leurs restriction), il m’invitent sur des plateaux live,…

    Je sens que je suis vraiment apprécié par la critique et c’est très important pour moi. Peut-être que plus tard, il n’y aura plus de place pour moi à la radio. Mais je ne vais pas me changer en Lady Gaga. Même si cela m’amuserait vraiment! Car au fond j’ai un côté comme elle (j’aime me déguiser, etc…) mais je pense qu’au final, ça m’userait. Je ne serais plus qu’une petite chose dans un robot.

    Et puis musicalement, vous êtes fort différentes aussi…

    En fait, on ne sait jamais. Koen (son compagnon dans la vie et complice de toujours sur ses albums) me dit souvent: « Il faut continuer et persévérer. Si tu persévères, au final, tu finis toujours par redevenir à la mode. » Je pense à quelqu’un comme Johnny Cash, qui, à la fin de sa carrière, était un peu oublié. Ila eut la chance de rencontrer Rick Rubin et de faire ces albums particuliers. Et grâce à cela, un nouveau public l’a découvert. Je ne pense pas qu’un jour, j’aurai un tube comme Johnny Cash.

    Mais peut-être qu’en persévérant, je serai un jour respectée pour ce que je fais. Et ce ne sera pas pour jouer devant des milliers de gens. Je trouve que j’ai déjà vendu beaucoup d’albums pour la musique que je fais. Et je me sens très bien ainsi. Je me sens vraiment heureuse.

     

    Il est vrai que certains courent après le succès et les ventes de disques mais ne s’y retrouvent pas vraiment au final…

    Oui, et je ne suis pas ainsi. Je préfère gagner moins et continuer à faire ce que je fais. Le fait d’avoir du temps, c’est ça le vrai luxe.

    Merci pour cet entretien, An. A bientôt!

    Vous pouvez retrouver toutes les infos et dates de concerts surle site d’An Pierlé: anpierle.be

    Photos prises lors du concert d’An Pierlé à l’Ancienne Belgique, le 16 mai 2013.

    Christophe Pauly
    Christophe Pauly
    Journaliste et photographe du Suricate Magazine

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