Titre : Rencard avec la trentaine
Autrice: Amal Tahir
Edition : Leduc
Date de parution : 6 février 2025
Genre du livre : Autobiographie
Rencard avec la trentaine. Chroniques d’une célibataire est le témoignage d’Amal Tahir sur ses déboires amoureux et/ou sexuels avec des mecs ses dix dernières années. Elle nous parle de certains hommes précis, sans jamais vraiment les nommer (ils se reconnaîtront). « Nous » ? Elle s’adresse en particulier aux femmes lectrices, souvent par le tutoiement, en ayant conscience que ce genre de livres est davantage lu par les femmes qui ont cette charge mentale de s’occuper des relations en plus de tout le reste.
Amal Tahir s’en prend souvent au développement personnel dans son livre et aux mantras répétés ad nauseam. Elle encense la sororité féminine et l’amitié. Elle se demande comment elle se serait construite sans ces conversations eues à toutes heures de la nuit ou du jour avec telle amie ou telle autre, racontant avec plus ou moins de détails ce qu’elle venait de vivre avec l’homme du moment. Pourtant, Chroniques d’une célibataire ressemble lui aussi à un livre de développement personnel, tant l’autrice est prolixe en conseils. La dernière page synthétise d’ailleurs le tout sans honte ni complexe. Si vous avez la flemme de lire 180 pages, lisez la dernière, vous gagnerez ainsi du temps.
Si le désir d’Amal Tahir de raconter sa vie intime pour booster la confiance de toutes les femmes est louable, politiquement et collectivement, elle échoue tout de même à mener sa mission à bien. Elle préconise aux femmes de se débarrasser des hommes, un peu comme Ovidie dans La chair est triste, hélas, sans tirer les mêmes conclusions. Si la baise est nulle, il ne sera question que de sexe hétéro, pas la peine d’essayer d’échapper à l’hétéro-normativité. Le plan d’horizon est assez bas de plafond : si Ovidie en profite pour écrire des livres, se promener avec ses chiens et réaliser des films, Amal Tahir semble surtout conseiller les femmes à monter leurs entreprises pour acheter des sacs de luxe vintage, vivre leur vie en pensant à elles, et à elles seules, en dépensant le maximum d’argent possible dans un monde (parisien et capitaliste) où les ressources semblent illimitées.
L’autrice a écrit un livre, vu qu’on le tient dans nos mains. Cependant, et on peut m’excuser de le comparer encore une fois à celui d’Ovidie, on peut néanmoins revoir la définition du mot « livre », tant La chair est triste est vif, ciselé, efficace, se lisant d’une traite. Ovidie a travaillé son écriture, comme une autrice, une écrivaine. Ce travail n’est pas présent dans Rencard avec la trentaine, qui ressemble à un suite interminable de posts Instragram, une suite de mots écrits comme un flux de pensée oral, sans réflexion sur la lecture via ce médium particulier qu’est le livre papier, qui ne se parcourt pas comme des info journalistiques vite oubliées sur notre téléphone. Pour faire bref, et c’est bien dommage, vu que les histoires d’Amal Tahir ne sont pas inintéressantes en soi, bien que très autocentrées, c’est assez désagréable à lire, et cela dès la composition du livre et le format des paragraphes, trop longs, qui ne sont pas un plaisir pour les yeux.
Se définissant comme sexologue et experte de la vie intime, on peut aussi être surpris de lire une vie qui parle de sexe sans entrer dans les détails. Le « sexe » est une sorte de synonyme de pénétration. C’est « courageux » de sa part de faire la part belle à la pénétration comme un acte de plaisir fort apprécié, à une époque où elle est un peu mise de côté par certaines politiques sexuelles féministes qui y voient une manière de lutter pour que les femmes reprennent du pouvoir dans leur sexualité, hétéro ou non. Ici, Amal Tahir assume tout, les sacs de luxe, son goût pour les grands pénis pénétrants, les hommes hétéros, son succès sur les réseaux, sa communauté, et prodigue de nombreux conseils d’amitié et de réconciliation bien utiles.