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    Regina Spektor : Piano/voix sans issue parfois

    La trentaine maintenant bien entamée, l’auteur-compo-interprète américaine née à Moscou revient avec un septième album studio intitulé Remember Us To Life .

    Son nouvel album s’ouvre sur Bleeding Heart dont le choix comme premier single avait tout d’une évidence. Habillage électro contemporain à base de beat minimaliste et de petits motifs de synthés, certes, mais il y a toujours de la place pour les sonorités plus classiques de son instrument de prédilection, le piano. La compo, la voix, restent très aériennes et légères même si on gagne brièvement en intensité au milieu du morceau.

    C’est dans cette voix là qu’on poursuit avec Older And Taller, une pop song enjouée qui laisse entrer les instruments à cordes pour la première fois. Le piano et la voix sont clairement au centre du jeu, tandis que des paroles ressort une description poétique de la vie moderne et du temps qui passe.

    Ses talents de conteuse sont encore plus remarquables sur le morceau suivant, Grand Hotel, à propos d’un édifice bâti tout juste au-dessus d’un enfer peuplé de diables. Tout cela contraste avec l’ambiance musicale du titre : une ballade piano/voix parsemée de cordes, finalement bien plus majestueuse que monstrueuse.

    Small Bill$ est lui l’un des meilleurs moments de l’album, si pas le meilleur. Un morceau inattendu qui brise les codes installés depuis trois morceaux, et même depuis bien plus longtemps si l’on passe en revue la carrière de Regina Spektor. Ici, on est embarqué dès les premières secondes grâce à une rythmique entraînante, une sorte de rap qui rappelle la britannique d’origine tamoul M.I.A, un piano et des cordes tout en lourdeur et en tension. Pour ne rien gâcher, le clip qui accompagne le titre renoue avec la créativité barrée et la recherche visuelle qui ont ponctué les meilleurs moments de sa carrière.

    La suite est un peu moins réjouissante. Du deuxième tiers de l’album ressortent deux morceaux intéressants. The Trapper And The Furrier, d’abord, qui débute a capella et qui s’enfonce ensuite dans une ambiance « bizarre » à la PJ Harvey, tout en contrastes, passant de la lourdeur la plus grave à un refrain lumineux qui confère malgré tout une forme d’espérance en dépit de paroles cinglantes : « Quel monde étrange dans lequel nous vivons, où ceux qui n’ont rien ont moins, et ceux qui ont déjà ont toujours plus, plus, plus ».

    Obsolete, ensuite, qui en dépit de sa longueur (6 minutes et 37 secondes) est la ballade piano/voix la plus intéressante de l’album. Sa voix y possède plus que jamais quelque chose de délicat, d’angélique même, et ce ne sont pas les chœurs sur la fin qui viendront altérer ce sentiment. Par contre, on trouve aussi Black And White, The Light et Tornadoland, des morceaux « jolis » mais peu singuliers et tellement monotones qu’ils en deviennent rébarbatifs.

    La conclusion de l’album, The Visit, s’inscrit malheureusement dans la même veine. Heureusement, Sellers Of Flowers qui précède est un dernier sursaut, sombre mais magistralement orchestré, qui recèle une nouvelle fois une narration riche mêlant saison hivernale et souvenirs d’enfance liés aux destins des roses et de ceux qui les vendent.

    Quatre d’ans d’absence et une maternité n’ont clairement pas révolutionné la formule de la native de Moscou. Ce nouvel album s’inscrit dans la lignée de Far (2009) et de What We Saw From The Cheap Seats (2012), quoiqu’il fasse jusqu’ici moins bien en termes de ventes et de classements, tout en restant une nouvelle fois un cran en dessous de Begin To Hope (2006), l’album qui l’avait révélée.

    Elle parvient à se réinventer le temps d’un morceau sur Small Bill$, comme elle l’avait déjà fait auparavant sur You’ve Got Time qui illustre depuis 2013 le générique de la plus populaire des séries Netflix, Orange Is The New Black. Si elle avait pu à nouveau insister un peu plus sur la rythmique et éventuellement la guitare, dont elle joue elle-même, tout en gardant le piano comme colonne vertébrale de ses compositions, Remember Us To Life aurait pu être plus dépaysant, plus novateur et plus amusant.

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