Titre : Qui m’aime me suive
Auteur : Gurvan Kristanadjaja et Joseph Falzon
Éditions : Dargaud
Date de parution : 13 septembre 2024
Genre : Roman
Ils sont partout. Ils peuplent nos écrans et nous bombardent dès le réveil. Ils ont pénétré notre quotidien autant que nous avons pénétré le leur. C’est une invasion multilatérale et consentie. Mais qui sont-ils vraiment, ces influenceurs généreux qui nous livrent tous leurs secrets ? Ces marchands de crèmes de jour et de programme fitness. Pour le découvrir, cap sur les réseaux !
Sur une quatrième de couverture aussi racoleuse que le compte instagram de Kylie Jenner, on peut lire : « Qui a commencé la course aux likes ? Platon, Confucius ou Kim Kardashian ? ». Gurvan Kristanadjaja et Joseph Falzon nous proposent, en effet, d’enquêter sur les logiques qui sous-tendent la profession d’influenceurs, en passant par son histoire et ses conséquences sociétales et géopolitiques. C’est un programme aussi alléchant qu’un code promo parce qu’il joue sur l’universalité du sujet. Les écrans, ça nous concerne tous. Ou du moins, en grande partie. Ceci dit, c’est aussi un programme ambitieux. Et pour rendre ça ludique, quoi de mieux qu’un ami canin, dont la loyauté n’est plus à prouver. Sirius_Lekiki – dont le compte existe vraiment d’ailleurs, abonnez-vous ! – va permettre aux auteurs de mener l’enquête, tout en offrant à instagram la bouille adorablement baveuse de leur compagnon à quatre pattes.
Sirius_Lekiki, donc, montre que derrière les likes, se cachent au mieux une forme de narcissisme mais aussi, souvent, des logiques marchandes dissimulées. Dans le terme influenceur, on retrouve le mot influence. Et ça les marques, comme les partis politiques l’ont compris. En échange de la gratuité des produits, on propose à Sirius de faire la publicité de croquettes ou de jouets canins. Sûr que cet amateur d’objets qui font pouic-pouic et de poulet doit apprécier ! Sauf que parfois derrière ces entreprises, au demeurant correctes, se cachent des scammeurs qui revendent plus chers des produits achetés sur des sites au rabais. Ça, plus les likes qu’il est possible d’acheter, rend la position de l’influenceur beaucoup moins transparente et proche de sa communauté qu’il n’y paraît. Et puis, il y a bien sûr l’addiction. Les enjeux géopolitiques de l’usage de réseaux sociaux chinois ou américains. L’évasion des influenceurs à Dubaï, où des travailleurs sont payés au lance-pierre à créer des paysages paradisiaques – et plus important encore – photogéniques, pour des milliardaires qui s’enrichissent sur le dos de leurs abonnés. Bref, c’est un monde compliqué dans lequel se retrouve Sirius_Lekiki, la langue pendante.
Qui m’aime me suive dresse un tableau assez large de la situation, tout en adoptant un ton humoristique qui rend la pilule plus facile à avaler. Mais reste quand-même la question du lectorat. La compréhension d’un sujet comme celui-là dépend beaucoup de l’âge du public, ce que Gurvan Kristanadjaja et Joseph Falzon n’assument pas assez dans leur propos. Et puis, que référencer quand on traite d’un sujet qui est culturel et qui dépend, donc de la familiarité du lecteur avec celui-ci ? Parfois les auteurs opèrent des choix étranges. On nous explique qui est Kylie Jenner – 5ème compte instagram le plus suivi d’après Wikipédia – mais pas Mastu, qui malgré sa notoriété ne joue pas dans la même catégorie. Sans compter que les polémiques que lancent les auteurs ont déjà été largement diffusées dans les médias et sur les réseaux. Qui m’aime me suive se consomme avec plaisir, mais manque peut-être d’un parti-pris plus assumé.