Titre : Quatre meurtres et un bal en noir et blanc
Auteur : Truman Capote
Éditions : Rivages
Date de parution : 4 septembre 2024
Genre : Lettres/ échange épistolaire
Début des années 1960, Truman Capote commence à écrire De sang-froid. Il s’échappe des terres américaines pour échouer sur la Costa Brava, en Espagne, durant l’été et dans un petit village suisse qui sert également de station de ski du nom de Verbier, en hiver. Quand il n’écrit pas son chef-d’œuvre, comme il a lui-même conscience de le dire, il s’occupe avec ses animaux de compagnie Bunky, Charlie J., Maggie, Diotima (le nom de ses chiens et de son chat), avec son compagnon, Jack, voit du beau monde et écrit des lettres.
Quatre meurtres et un bal en noir et blanc se compose de ses lettres, la plupart écrites durant le travail d’élaboration de De sang-froid, qui durera 5 ans, entre 1960 et 1965. Après l’ouvrage culte publié, Capote entrera dans la stratosphère de la célébrité et de la richesse, avant de dézinguer tou.te.s ses ami.e.s au karcher dans Prières exaucées. L’écriture de lettres se fera peut-être moins nécessaire, changement d’époque oblige aussi (le téléphone privé devenant plus abordable, surtout chez les riches). La dernière partie de ce livre est une interview d’une trentaine de pages où Capote parle de sa vision du roman-document avec George Plimpton en 1966.
Quatre meurtres et un bal en noir et blanc, dont le titre ne reflète donc pas le contenu, est un making-off épistolaire de De sang-froid. C’est l’histoire de cet homme, qui, après avoir recueilli des milliers de page de notes et passé plusieurs semaines au Kansas avec son amie Harper Lee (l’autrice de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur), là où le meurtre de cette famille Clutter a eu lieu, tuée par Perry et Dick, a fini par pondre ce « reportage artistique », en étant le plus scrupuleux et complet possible. Pour cela, la méthode est simple : Capote s’enferme dans le travail, se réveille très tôt, écrit durant des heures, envoie des lettres à Alvin Dewey, l’inspecteur qui a coffré les deux tueurs, et à sa femme Marie, pour prendre de leurs nouvelles, maintenant qu’ils sont devenus amis, et demander des informations très précises sur l’affaire.
L’écriture de ce livre fut un enfer, pour Capote. S’il a conscience d’avoir de l’or entre ses mains, d’écrire pour l’éternité, l’éternité durera cinq années remplies de doutes, de désespoir, de travail acharné. Il sait pertinemment ce qu’il veut écrire et estime en nombre d’années exactes combien de temps cela lui prendra. C’est de l’orfèvrerie, qui ruinera peu à peu son mental, lui qui n’était pas connu pour sa stabilité émotionnelle. De sang-froid l’a « immortalisé » et tué en même temps, ce fut l’apogée de sa vie, son moment : la suite de cette publication sera une lente et longue descente jusqu’à l’overdose finale.
Dans ce livre, en dehors du Capote « l’écrivain », on y découvre Capote « l’ami », celui qui ouvre son cœur et ses bras à ses ami.e.s dans chaque lettre, écrite succinctement mais toujours avec des mots justes. En plus de conforter cette amitié qu’on pourrait croire opportuniste, celle avec Dewey et sa femme, il écrit à d’autres amis (surtout des hommes), et parle de ses relations avec Charlie Chaplin et sa femme Oona O’Neill, Jackie Kennedy, David O. Selznick (puissant producteur d’Hollywood) et sa femme Jennifer Jones, et d’autres encore, du très « beau » monde. En parallèle, sans jamais parvenir à s’en détacher, et en leur écrivant également des lettres, Capote attendra parfois impatiemment la pendaison de Perry et Dick, qui seule lui permettra de clôturer De sang-froid. Elle ne surviendra qu’en 1965, lorsque Perry, qui voulait devenir artiste, comprit une chose : lui qui avait toujours voulu créer une œuvre d’art, voilà que quelqu’un d’autre, un « ami », s’appropriait son meurtre pour en créer une. Truman Capote et De sang-froid.