Titre : Price
Auteur : Steve Tesich
Éditions : Monsieur Toussaint Louverture
Date de parution : 30 août 2024
Genre : Roman
Daniel entame son dernier été de lycéen – ou son premier été d’adulte – sans l’ombre d’un projet. Mais une passion destructrice et complètement fortuite pourrait bien signer la fin de sa léthargie. Serait-il l’heure pour Daniel Price, de payer le prix ?
Malgré l’impopularité dont il souffre par rapport à son cadet, Price est le premier et le seul livre édité du vivant de son auteur. Destin aussi ironiquement funeste que celui de ses personnages, Tesich meurt quelques jours avant la publication de Karoo et n’en connaîtra jamais le succès. Plus triste encore, son lectorat ne se plongera plus jamais dans l’imaginaire égrotant de l’homme à qui l’on doit l’un des portraits les plus tragiques du passage à l’âge adulte. Comme souvent, son œuvre repose sur une ossature autobiographique. Dans une version ouvertement pessimiste. Karoo, c’est l’écrivain esseulé et alcoolique, réprimé par l’industrie du cinéma. Price est la couche inférieure. C’est un récit initiatique qui raconte le passage à l’âge adulte. Daniel Price, comme Tesich, est issu de la migration serbe. Comme Tesich, il grandit dans les banlieues industrielles d’East Chicago avec ses montagnes de béton qui transforment les rêves des jeunes en nuages de fumée.
Mais le destin de Daniel Price prend une tournure réellement dramatique le jour où il rencontre Rachel. L’ouragan Rachel qui éclipse tout, même la mort. Car ce dernier été pour Daniel n’est pas seulement rythmé par les pulsations de l’amour. Il sonne aussi comme une plainte sinistre. Celle qui sort de la bouche de son père malade. Son cancer est foudroyant. Il ne tiendra pas l’été. Au demeurant passif, Daniel se réveille. Il abandonne ses amis. Eux qui étaient d’ailleurs bien plus que ça. Des frères d’armes qui pensaient, à tort, leur lien indestructible. Même si on est loin du personnage apathique et loyal du début, quiconque a vécu un premier amour comprend le feu qui l’anime et l’isole. On est même prêt à accepter certaines de ses colères. Il faut dire que Rachel le fait un peu tourner en bourrique. Mais petit à petit, on assiste à une vraie métamorphose.
L’adolescent qui ne cesse de dire « j’imagine » comme s’il était incapable de s’affirmer, devient un homme traversé par des rêves de domination et des pulsions colériques. Son amour devient trop grand, ingérable. On a honte de s’être reconnu dans sa passion adolescente, au départ, universelle. Price apparaît de plus en plus tordu, comme une version déformée du jeune homme qu’on s’était imaginé. Mais le pire se trouve dans la relation qu’il entretient avec son père. Un père à qui il ne supporte pas d’être apparenté. Et pourtant, plus il le rejette, plus ils se ressemblent. Et puis vient la fin qui nous laisse vraiment K.O. Daniel qui, au lycée, s’était fait remarquer pour ses talents de lutteur, se prend un uppercut du destin. Sa haine était aveugle. Ou justement, peut-être était-elle née de ce qu’il refusait de voir ? Price est un récit initiatique aux antipodes de l’archétype du genre. Une tragédie psychologiquement complexe qui se nourrit de la jeunesse et qui nous laisse déboussolés, à moitié soulagés d’être déjà vieux.