Titre : Pourquoi le sexe fait mal
Auteur : Caroline Ernesty et Agathe Moreaux
Edition : Hors d’atteinte
Date de parution : 07 février 2025
Genre du livre : Essai
Pourquoi le sexe fait mal. Prendre enfin au sérieux la santé sexuelle des femmes est un livre assez explicite sur son sujet, écrit par Caroline Ernesty et Agathe Moreaux, préfacé par Laura Berlingo. Les deux premières sont journalistes, la troisième est femme médecin. Les trois femmes vont parler de la santé sexuelle, dans nos sociétés, de toutes les personnes se reconnaissant comme femmes.
Les autrices découpent leur ouvrage en plusieurs parties, le premier faisant cas de ce qui se passe « dans la société », le deuxième « dans la médecine ». La partie sociétale est la plus réussie, résumé des dernières années post #MeToo, s’intéressant à la nécessité d’une éducation sexuelle et relationnelle obligatoire (réellement obligatoire) pour les jeunes, dans les écoles secondaires (et primaires).
Pourquoi le sexe fait mal est néanmoins un peu racoleur dans son titre. Le mot sexe est surligné par le graphisme de la couverture, accolé en rouge au-dessus d’un espace noir, ce qui laisserait penser que le sexe, vu comme la sexualité, est au centre de leur enquête. Celle-ci est pourtant davantage centrée sur la santé sexuelle au sens large (sur les maladies que les femmes peuvent attraper, sur la difficulté à établir un bon traitement, sur le jugement des médecins, etc.) que sur la sexualité vue comme un ensemble de pratiques pouvant procurer du plaisir à soi-même ou à d’autres personnes.
Caroline Ernesty et Agathe Moreaux sont journalistes et ne savent pas trop sur quels pieds danser : « Pourquoi le sexe fait mal » oscille entre l’enquête journalistique, le papier académique (qui n’en est pas un) et l’article scientifique. Elles multiplient les notes de bas de page, pas toujours très pertinentes, celles qu’on a l’habitude de voir dans un ouvrage académique, ce qui ne rend pas le contenu générale très lisible. Elles sortent aussi de leur manche énormément de statistiques, de dates, de chiffres (comme des journalistes, donc). Enfin, leur livre a été relu par des médecins, et la langue employée est alourdie par le vocabulaire médicinale un peu lourd, scientifique, qui crée une sorte de barrière entre les sachant.es. (qui maîtrisent les mots « compliqués ») et le reste.
Sur le même sujet, d’ailleurs citées par les autrices, Nina Brochmann et Ellen Støkken Dahl ont fait un travail de vulgarisation remarquable dans Les Joies d’en bas, publié chez Actes Sud en 2018. Contrairement à Pourquoi le sexe fait mal, qui annonçait cependant l’ambiance par son titre sans ambiguïté et son allure victimaire, ces femmes médecins norvégiennes parlent exactement des mêmes sujets, en étant plus complètes (le livre fait 400 pages), plus faciles à lire, joyeuses tout de même, en ne niant jamais les difficultés, les points négatifs ou les problèmes liés la santé sexuelle des femmes, avec une vision scientifique vulgarisée, sérieuse et professionnelle. Pourquoi le sexe fait mal est néanmoins une bonne lecture complémentaire.
Quand Ernesty et Moreaux annoncent, pour nous rassurer, que leur conclusion sera positive, elles pêchent alors un peu par naïveté et révèlent leur absence d’académisme, déclarant que « la notion de couple se déplace depuis Chollet et Tuaillon », éclipsant au passage des autrices (et auteurs) qui se sont intéressées au sujet depuis bien longtemps, comme bell hooks par exemple (All About Love : New Visions, publié en 2000).
Néanmoins, le constat reste éloquent, bien que pas nouveau si l’on s’intéresse au sujet : les femmes ne sont pas les mieux loties en ce qui concerne l’accès aux soins de santé. Elles le sont d’autant moins si elles sortent du cadre dans lequel a été établi la médecine (celui des hommes blancs valides), en étant racisées, lesbiennes ou trans, par exemple. L’accès à une médecine performante et pensée pour elles sera d’autant plus problématique.