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    Le Grand livre du parfum : pour une culture olfactive

    auteur : Collectif de Nez, la revue olfactive
    éditions : Nez / Le Contrepoint
    sortie : octobre 2018
    genre : Beaux-Livres

    Ce n’est que vers la fin des années 1970 que le parfum fait son entrée dans les produits de luxe après l’acquisition de licences par les grands couturiers qui créèrent une stratégie marketing bien ficelée enfermant la précieuse quintessence, assemblage complexe de notes odorantes, dans un flacon raffiné, starisant le parfum, lui offrant une dimension surnaturelle. Et cela marche! Rien que pour la France, l’industrie du parfum faisait près de 2 milliards d’euros de bénéfice en 2017. Quelle revanche tout de même depuis la phrase assassine de Pline l’Ancien qui qualifiait le parfum comme l’objet de luxe le plus inutile de tous parce qu’il ne subsiste rien de palpable qu’un sillage odorant.

    C’est sur ce constat que la revue olfactive Nez, dont le premier numéro sortit en avril 2016 tente de rendre accessible au public le rôle prééminent de l’odorat dans leur vie en les sensibilisant et en mettant en avant tous les aspects qui composent l’univers de la parfumerie. C’est de ce désir que sont nées de nombreuses publications dont le petit dernier Le Grand Livre du parfum est clairement à vocation didactive avec des images qui illustrent de manière simple (peut-être un peu trop parfois) mais efficace, le propos de ce collectif engagé à laisser plus qu’un sillon odoriférant dans l’Histoire.

    L’apparition du parfum et ses premières utilisations sont pourtant à des années-lumières de l’exploitation que l’on en fait actuellement. Dans l’imaginaire humain, la bonne odeur est le signe distinctif de la divinité. On brûle des encens pour nourrir les dieux, pour l’attirer sur terre dans le but qu’il exauce toutes sortes de souhaits. Il est le lien entre les humains et les dieux et permet la communication entre eux. Durant l’Antiquité, les encens gardent leur sacralité. Ce sont les prêtres qui réalisent les mélanges mais petit à petit apparaissent les onctions et fumigations à fonction médicinales. Un peu plus tard, dans la Grèce antique, on ne rigolait pas avec l’hygiène. Mais dans un monde qui ne connait pas encore le savon, l’usage des huiles parfumées prend tout son sens. Les gens en faisaient usage dans des bains publics, une tradition que les romains élevèrent au sommet de son raffinement avec les thermae. Les huiles parfumées sont alors fabriquées à partir de résines, de macérat de fleurs et d’encens et sont intimement liées au bien être et à la santé puisqu’elles permettent de dissoudre la saleté lorsqu’elles sont frictionnées. Au Moyen Âge tout change, les épidémies de peste qui déciment la population européenne engendrent une peur panique de l’eau – on est sûr, à l’époque, que l’eau transporte les miasmes de la peste mais vu l’état insalubre et malsain des villes, l’eau était contaminée et un vecteur de certaines maladies souvent mortelles – mais alors que durant la période précédente l’usage profane des huiles parfumées n’était pas condamné, le christiannisme blâme tout usage en dehors du domaine religieux. Au fur et à mesure, les bains thérapeutiques entrent dans les activités quotidiennes des plus fortunés tandis que les autres se contentent d’une toilette sèche. Ce ne sera que sous l’influence des philosophes des Lumières que l’eau fera son grand retour dans les habitudes hygiéniques. Les huiles parfumées retrouvent leur usage médicinal. Après la révolution, des établissements de bains sont installés dans les villes et les règles d’hygiène sont enseignées à l’école. Avec la diffusion des théories pasteuriennes à la toute fin du XIXe siècle, le parfum perd sa place dans le domaine thérapeutique parce que l’on dissocie enfin la mauvaise odeur de l’agent pathogène et on abandonne l’idée que la bonne odeur contribue à soigner les maladies. Cependant le parfum doit être utilisé avec parcimonie, trop en mettre étant signe d’une moralité douteuse, bien que la limite fut purement subjective. Le XXe siècle est sans conteste l’ère des couturiers qui deviennent les pionniers de la parfumerie moderne. Ils mettent en avant le seul atout que possède encore le parfum, l’effet que les odeurs ont sur nous, le hissant en produit de luxe mondialement commercialisé rapportant des milliards d’euros de chiffres d’affaires tous les ans.

    Pourtant, derrière les profits engendrés par les parfums-star, la profession de concepteur de parfum reste nimbée de mystère. Le Grand Livre du parfum a l’objectif de faire connaître au public le travail d’artiste qui se cache derrière un grand parfum autant que son histoire, les grandes étapes et méthodes de fabrication, l’obtention et le traitement des matières premières mais aussi les tenants et les aboutissants de la profession de parfumeur, dont le travail principal est de transformer une idée en odeur et qui ne s’acquiert qu’après un long et rigoureux apprentissage. Pour un ouvrage de synthèse, Le Grand Livre du parfum est très complet, les sujets sont traités de manière intelligente et compréhensible pour tout lecteur. Ce livre conviendra à toute personne qui collectionne les parfums autant qu’à celles qui, fidèles, possèdent un parfum fétiche. Et pour ceux qui n’y connaissent rien : c’est un excellent départ pour commencer!

    Daphné Troniseck
    Daphné Troniseck
    Journaliste du Suricate Magazine

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