La galerie H18, place du Châtelain, accueille jusqu’au 24 octobre prochain, les photographies de l’avocat Benoît Feron, passionné de photographie et de la région du Rift. L’exposition, mêlant tirages couleur et noir et blanc, ravira votre soif de voyage et de dépaysement…
Tout d’abord, quels sont vos thèmes photographiques favoris ?
Il y en a plusieurs. Évidemment cette expo-ci porte sur des portraits provenant de toutes les tribus de la vallée du Rift. C’est une région d’Afrique de l’Est qui s’étend du Djibouti, en passant par l’Éthiopie, le Kenya et le nord de la Tanzanie. Cette région là est un de mes thèmes favoris, que ce soit pour la diversité de ses peuples, mais également pour les paysages et tous les phénomènes géologiques. Pour toute la faune florale aussi.
Par contre, il y a d’autres thèmes que j’aime beaucoup. Par exemple, j’adore le thème de l’abstraction. Je fais pas mal d’images en rapport avec ce thème, notamment beaucoup de photos sur les corps : la peinture corporelle, les scarifications, des gros plans sur les peaux à côtés des vêtements, les bijoux, etc. Ça c’est une chose.
Mais je cherche aussi l’abstraction dans la nature et donc les paysages qui sont abstraits, que ce soit des photos de loin ou prises de très près. En macrophotographie, j’ai fait beaucoup de photos de glace. Pour ça, j’ai été en Antarctique et en Islande. J’ai fait beaucoup de photos très abstraites de la glace. Cela peut être très esthétique.
Les personnes se laissent-elles facilement photographiées ou y a-t-il un travail en amont de l’acte photographique?
Il y a un peu les deux, c’est-à-dire qu’il n’y a pas de règles générales. Tout d’abord, celles qui sont dans l’expo ont posées de façon tout à fait volontaire. J’ai eu un très bon contact avec elles. Parfois ça va très vite et parfois ça prend plus de temps. Il y a des endroits où je reste plusieurs jours dans un même village, d’autres endroits où c’est plus rapide. Mais en général ça se passe assez bien car je suis introduit par un guide qui a lui-même un relais local. Je n’arrive pas tout seul sans avoir quelqu’un qui connaît la région.
Beaucoup de photos sont sur fond noir. Est-ce que c’est un travail réalisé par après à l’ordinateur ?
Non, je vais sur place avec des bâches noires. J’installe les bâches pour créer une sorte de studio extérieur afin de pouvoir faire poser les gens.
Vous êtes vous déjà senti en danger pendant vos voyages ?
Une seule fois. J’ai fait entre 15 et 20 voyages dans ces régions et une seule fois j’ai senti que c’était limite. J’étais en train de prendre une photo dans une plantation de café en Éthiopie et un garde est arrivé. Il était fameusement imbibé d’alcool et il m’a tenu en joue avec sa kalachnikov pendant 20 minutes en m’invectivant. Oui, ça c’était un peu chaud…
Dans le même voyage, il y a eu un autre moment aussi où il y a eu des morts à 200 mètres de ma tente. Un règlement de compte… Mais sinon jamais.
Comment est née votre passion pour la photo et pour cette région en particulier ?
Ma passion pour la photo remonte à très longtemps, depuis que je suis gosse. Et pour cette région, en fait, j’ai fait un voyage dans ce coin là, il y a une douzaine d’années pour faire un safari. J’ai été ébloui par la beauté de ce que j’ai vu : par la lumière de cette région africaine, la beauté des paysages, la faune… En fait, je suis complètement tombé amoureux de cette région et après j’ai eu envie d’approfondir. C’est comme ça que j’ai été vers les peuples qui y habitent.
Je lisais dans une interview que vous disiez qu’il y avait un travail, par après, à l’ordinateur assez conséquent…
Assez conséquent peut-être pas… mais il y a de toute façon (un travail à faire, ndlr) dans tous les fichiers ou pour toutes les photos. Elles sont toutes retravaillées de manière générale pour tous les photographes. Chez moi, ça reste quand même assez limité : je rajoute du contraste, je travaille l’équilibre entre les hautes et les basses lumières. Quand ce sont des photos colorées, j’aime bien rajouter un peu de saturation pour les rendre encore un peu plus éclatantes.
Puis, j’ai un style, surtout dans les portraits, qui est orienté vers des images très très nettes. C’est de l’hyper-réalisme. J’aime bien rajouter un petit peu de netteté mais sans excès.
S’il y une photo que vous deviez choisir dans l’exposition ?
Ce n’est pas évident… (rires). Oui, je vais vous parler de celle-là : c’est une jeune fille de la vallée des Surma qui porte un très grand plateau labial. C’est le plus grand plateau que j’ai vu là-bas, il est vraiment énorme. J’ai vu cette jeune fille passer sur un chemin et ma première réaction a été : « Wouaw, qu’est ce qu’elle est belle ». Puis, je me suis rendu compte qu’elle avait ce plateau et que je l’ai trouvé belle malgré le fait qu’elle portait ce plateau à la lèvre. Ce n’était pas mon premier voyage dans cette région, ni dans ce village en particulier. Mais je me suis rappelé que lors mon premier voyage là-bas, j’étais effaré de voir ces femmes comme ça. Je me suis rendu compte, qu’avec le temps et quand on y retourne, on s’habitue à ce genre de choses.
En réalité, les standards de beauté sont extrêmement relatifs et dépendants de votre culture. Si on vit là-bas, on peut tout à fait trouver une femme qui porte un plateau à la lèvre élégante et belle.
© Benoît Feron
Est-ce que vous avez des projets pour la suite ?
Cette exposition regroupe une partie de mon travail sur la vallée du Rift : les portraits et les peuples. Il y a évidemment tous les paysages. J’ai également photographiés tous les lacs du Kenya vus du ciel. Il y a en effet de très beaux lacs salins qui donnent des photos très géométriques et très graphiques. Il y a aussi toute la faune. Mon projet maintenant est de travailler sur un gros livre concernant la vallée du Rift de façon globale qui intégrerait les trois thèmes : la nature, la faune et les peuples.
Plus d’infos :
Site internet de Benoît Feron : http://www.regards-passion.com/
Galerie H18 : http://www.h18.be/the-openspace/project/