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    Poquelin II de TG STAN au Théâtre des Tanneurs

    D’après L’avare et Le bourgeois gentilhomme de Molière. Mise en scène et jeu par le collectif TG STAN. Avec Stijn Van Opstal, Bert Haelvoet, Damiaan De Schrijver, Jolente De Keersmaeker, Els Dottermans, Willy Thomas et Frank Vercruyssen. Du 21 octobre au 24 octobre 2020 au Théâtre Des Tanneurs. Crédit photo : Kurt Van der Elst

    A l’heure où les restrictions menacent de plus en plus les théâtres et les lieux culturels, le monde se presse pour voir la nouvelle pièce au théâtre des Tanneurs. Sur scène nous attend en force le collectif TG STAN, accompagné de deux textes du maître de la tragi-comédie, Molière. Tandis que nos politiciens tentent de nous convaincre que ce n’est plus l’heure à la fête, TG STAN nous sert un plateau festoyant de vie et de jeu.

    Dès le départ, la pièce résonne douloureusement avec l’actualité. Notre monde est dirigé par des avares qui protègent une économie au détriment de l’humain. On va continuer de travailler normalement, nous rassure le gouvernement français, et le théâtre attendra.

    Et bien non, ici le théâtre n’attend pas, il s’enflamme, se revendique et se joue au présent. C’est un cri de survie que l’on découvre sur scène, une nécessité d’échanger et de rire ensemble quand tout cela nous est interdit. L’humour n’épargne pas cette triste réalité et les références à la pandémie sont nombreuses. Attention, au théâtre ça postillonne ! Un risque dangereux de nos jours. D’ailleurs tout est vivant, les comédiens saisissent chaque situation pour surenchérir. Ils essayent de déconstruire leur jeu, se tendant sans cesse des embûches pour toujours plus jouer. Ils n’ont pas peur de la blague de trop, car celles-ci fusent, ne nous laissant pas de répit entre les rires.

    Qui de mieux que des néerlandophones pour réciter la langue de Molière ? Ils n’hésitent pas à se moquer de cette langue tarabiscotée, parfois même incompréhensible et souvent éloignée des sentiments directs. Mais quant on se la réapproprie, elle peut être frappante de vérité et émouvante aux larmes. On rit des pires personnages, des plus caricaturaux. Comme à son habitude, la compagnie joue à merveille avec la drôlerie des gestes et des costumes. Avec très peu de matériel, ils trouvent le moyen de jouer, de rire et d’illustrer.

    Les personnages sont faux et ce ne sont pas les acteurs qui vont nous faire croire le contraire. D’ailleurs c’est pour cela qu’on adhère à ce qu’ils racontent et la manière dont ils jouent. Ils n’ont pas peur d’oublier leur texte et même de le souligner, car l’enjeu n’est pas là. Le texte est remis dans son contexte, c’est à dire celui de la scène.

    L’acteur ne prétend pas toujours dire quelque chose d’intéressant. Il n’a pas peur de rire avec le public, son meilleur allié, de l’absurdité de certaines répliques. Il crée avec nous une intimité qui lui permet de nous emmener partout et surtout dans la surenchère. Toujours dans la dérision, quand les mots font écho à notre réalité, ceux ci nous touchent en plein cœur. Et Molière a souvent raison, les avares oublient l’amour, et le bourgeois est aveugle.

    Assister à cette générosité de jeu et de vie est une véritable leçon d’humilité. Et cela donne envie de vivre avec la même passion. Le théâtre est nécessaire, il est vital, et il doit se jouer au présent, aussi douloureux soit-il. Il se moque de lui-même et de son public, car il n’est pas la vérité mais tente parfois de la dénoncer. Et surtout, TG STAN réussit son plus grand pari, nous montrer que le théâtre est une fête !

    Luna Luz Deshayes
    Luna Luz Deshayes
    Journaliste du Suricate Magazine

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