De Elena Doratiotto & COLLECTIF
Mise en scène Françoise Bloch
Avec Elena Doratiotto, Jules Puibaraud, Aymeric Trionfo, Aloula Watel
Du 9 janvier au 15 janvier 2025
Au Théâtre des Martyrs
Dans Points de rupture, Françoise Bloch explore les limites des individus. Lorsque ces limites sont dépassées, survient le point de rupture : la crise, la démission, le burn-out. Le spectateur est invité à suivre une série de saynètes dans lesquelles les personnages se retrouvent dans des situations critiques, notamment au cours de trois entretiens d’embauche. Fidèle à sa démarche, la metteuse en scène s’intéresse à un univers peu souvent mis en lumière au théâtre : celui du business. Elle propose ici un théâtre documentaire et politique, qui observe, analyse et questionne, tel un avertissement avant la catastrophe. Une œuvre à méditer.
Comme dans Grow or Go (2009), remarquable plongée dans le monde de la consultance, ou dans Money! (2013), qui décortiquait les fonds d’investissement, le décor de Points de rupture repose sur un assemblage de tables et de chaises à roulettes. Une explication symbolique est d’ailleurs donnée : ces roulettes incarnent le dynamisme apparent, une volonté de changement… qui reste illusoire. Les tables bougent, se déplacent, mais les points de rupture continuent d’émerger. Sur scène, une porte de garage s’ouvre et se ferme, évoquant une possible issue, une échappatoire vers un monde meilleur. Par ailleurs, des vidéos projetées viennent enrichir la réflexion.
Le spectacle plonge les personnages dans des situations où la pression les pousse à emprunter des chemins qu’ils n’avaient pas envisagés. Ils s’épuisent, se heurtant à des injonctions acerbes : « Ce sont des imbéciles comme vous qui remplissent le monde d’enfants dégénérés. » En définitive, choisir le changement nécessite avant tout du courage.
Mais quel chemin emprunter ? Faut-il opter pour un geste radical, « un pavé dans la mar(r)e » ? Après tout, « tous les changements sociétaux se sont construits sur la violence ». Ou bien privilégier la « souplesse dans les échanges » et « adoucir les positions » pour bâtir autrement ? La pièce ne tranche pas. Elle ouvre le débat avec humour, sobriété et réalisme.
Points de rupture peut sembler moins accessible que d’autres créations de Françoise Bloch, plus structurées. Ici, une place importante est laissée à l’improvisation des comédiens. On quitte la salle avec la conscience aiguisée d’un problème urgent et d’un besoin de transformation, mais sans mode d’emploi. Une prise de conscience nécessaire, néanmoins traitée avec légèreté et humour. N’est-ce pas là le premier pas vers un monde meilleur ?