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    Playlist nous emmène dans un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître

    Plongée dans la nostalgie des années ’80, au gré de certaines chansons de l’époque, la pièce porte les interrogations de boomers sur ce qu’ils sont devenus, ce qui reste de leurs valeurs à l’approche, potentielle, de la fin du monde.

    Un immense canapé rose bonbon en imitation fourrure occupe quasi la totalité de la scène. Un homme, une bouteille à la main, semble attendre. Il vérifie régulièrement son téléphone, se couche sur la banquette et scrute le plafond. Il est rejoint par un autre homme qui amène son PC portable.

    Serge (Riton Liebman) et Fred (Erico Salamone) sont en train de mettre au point la playlist de la soirée des anciens de l’Athénée Royal de Koekelberg qui va se dérouler ce soir au Claridge, une salle voisine du Mirano, haut lieu de la vie nocturne bruxelloise. 

    Dans leur jeune temps, les deux comparses avaient formé un groupe de rock avec une chanteuse, Anna qui a disparu de la circulation, du jour au lendemain, 35 ans auparavant. Serge dont c’était le premier amour ne s’en est jamais vraiment remis même s’il a refait sa vie et a eu des enfants avec Charlotte, qui vient de le quitter, il y a quatre jours, ou sept selon les versions. Il souffre d’abandonnisme, mais il dit abandonnite.

    Mais cette soirée dont l’apothéose devrait être le retour sur scène de leur groupe qui a connu un certain succès, avec un seul morceau, n’est pas la seule source de préoccupation des boomers (personnes nées de 1945 à 1965, durant le baby-boom de l’après-guerre). Nous sommes à l’aube du possible guerre nucléaire. Les présidents chinois, russes et américains multiplient les réunions de la dernière chance pour tenter d’éviter un conflit mondial.

    Une femme traînant une valise descend les escaliers de la salle, passe devant la scène et remonte de l’autre côté avant de disparaître par la porte de sortie. Serge se lève d’un coup comme animé par un pressentiment (dans la pièce, elle est totalement invisible pour les deux hommes). Elle ressort pour fumer une cigarette et parle au téléphone à sa fille sur le point d’accoucher On comprend qu’il s’agit d’Anna (Ingrid Heiderscheidt) qui revient de New-York où elle a (re)fait sa vie. Dans l’avion, l’équipage a fait chanter les passagers en chœur « Give peace a chance » (John Lennon). Elle souligne le côté inattendu du fait de « revenir à Bruxelles pour la fin du monde et devenir grand-mère digne, bienveillante et sexy ».

    Serge et Fred continue d’égrener la playlist de leur vie. Elle a débuté avec AC/DC et va aligner, notamment, les Pretenders, The Cure, Public Image Limited (PIL), Madness, Clash, Wham – « si tu enlèves le sexe notre musique, tu enlèves notre musique » -, David Bowie, les Stranglers, Blondie, Garbage, les Doors (à vous de les retrouver)… Le tout ponctué de flash d’infos sur l’évolution de la situation internationale et des négociations au sommet. 

    Ayant « une heure à tuer avant la destruction de l’humanité », Anna décide de rejoindre ses anciens camarades. Fred est ravi de la revoir, Serge pas vraiment et boude. Autant le premier est enjoué, autant le second est sombre, amer. Celui qui tenait la guitare dans le groupe, à l’époque plus vilain que beau mais très intellectuel est devenu docteur en physique. Blessé, égocentré, il s’est embourgeoisé et a le sentiment d’avoir perdu les valeurs qu’ils ont inculquées à leurs enfants. Ces derniers leur feront la démonstration qu’elles les animent toujours.

    Riton Liebman est égal à lui-même, excellant dans le rôle du sexagénaire désabusé, bougon. Comme à son habitude Eric Salamone déborde d’énergie et de positivité. Les deux se complétant dans un duo contrasté qui donne une certaine dynamique au spectacle. Ingrid Heiderscheidt rayonne dans l’incarnation de cette femme qui fait le lien entre le passé et le présent et les deux caractères très opposés. Sa prestation est d’autant plus remarquable qu’elle n’a eu qu’un mois pour s’approprier le rôle initialement dévolu à Lio qui a finalement renoncé pour des raisons personnelles. 

    Jouant sur le leitmotiv « Sex, Drugs & Rock’n’Roll », Playlist est une pièce empreinte de nostalgie qui met ses protagonistes devant le choix de continuer à vivre dans le passé ou profiter de l’instant présent. La situation mondiale alarmante rajoute une couche de pression en même temps qu’elle relativise la possibilité de choix tant le futur semble compromis. Le ton est léger et les quelques allusions au féminisme ou à l’évolution actuelle des mœurs – dispensables – cherchent à renforcer le sentiment de regret des temps passés.

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