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    Pink Screens : God loves Uganda

    god loves uganda

    God loves Uganda

    de Roger Ross Williams

    Documentaire

    Présenté le 11 novembre 2014 au Pink Screens Festival

    Pour sa treizième édition, le Pink Screens Festival, organisé par l’asbl Genres d’à Côté et le cinéma NOVA, présente du 6 au 15 novembre au NOVA et à l’Aventure près de 80 courts et long-métrages du monde entier consacrés aux questions LGBTI (lesbiennes-gay-bi-transgenres-intersexes). Outre ce large éventail de fictions et de documentaires, le festival propose aussi des débats, des rencontres, des expos et des performances, dans une atmosphère conviviale d’ouverture à tous.

    Dans God Loves Uganda, le documentariste américaine Roger Ross Williams s’intéresse aux liens entre les églises évangéliques américaines et le pouvoir politique et religieux ougandais, et à leur rôle conjoint dans la répression qui frappe les homosexuels en Ouganda. De Kansas City à Kampala, la capitale ougandaise, le film suit le parcours de ces chrétiens extrémistes, extatiques à l’idée d’évangéliser les masses en Afrique et particulièrement en Ouganda, qu’ils perçoivent comme un laboratoire idéal pour développer leur idéologie ultra conservatrice et faire éclore une génération de Chrétiens susceptibles de la faire fructifier sur une terre encore féconde, loin du déclin spirituel de l’Occident. Au sein d’églises comme l’International House of Prayer ou de mouvements comme The Call, qui organisent de gigantesques rassemblements de prières, de jeunes missionnaires s’engagent ainsi pour former une armée au service du Christ. Obsédés par la haine de la chair, réunis autour d’une vision extrêmement individualiste du salut personnel et d’un goût pour le spectacle, opérant à travers des prêches massifs marqués par un sens inquiétant de la transe et de l’hystérie collective, ces prédicateurs illuminés, chez qui on a du mal à distinguer le fanatisme de l’inconscience, sont persuadés d’œuvrer pour la régénération du monde.

    Le film montre très bien comment, à travers ces jeunes gens servant tout prêts leurs messages sur l’amour de Dieu et la vie éternelle, les églises américaines les plus conservatrices exercent une influence des plus dangereuses dans un pays pauvre, à l’homophobie rampante, où la parole de ces blancs riches, énergiques et pleins de santé, parlant un anglais parfait, est créditée d’un prestige considérable. Ainsi, les évangéliques américains forment des missionnaires locaux et distillent des messages qui reçoivent un écho extrêmement favorable dans la sphère sociale et politique ougandaise. Le film s’intéresse en effet à l’impact de cette propagande anti-gay, menée notamment par le pasteur Martin Ssempa, très lié aux mouvements évangéliques américains, sur la vie politique ougandaise : en 2009, le député David Bahati a proposé une loi contre l’homosexualité, punissant les actes homosexuels de sanctions allant jusqu’à la prison à vie et la peine de mort. L’homosexuel est devenu le bouc-émissaire parfait, associé à la diabolisation de la société, à la corruption et à l’impérialisme occidental.

    La propagande décrite dans le film a quelque chose de parfois presque grotesque, tant le décalage entre le discours des missionnaires béats et la misère ougandaise est frappant.  De même, le discours martelé par les prêcheurs, qu’ils soient américains ou ougandais, est si simpliste, si manichéen, et si déconnecté de la vie et du monde réels qu’on en rirait presque. Presque, parce que le film évoque aussi l’assassinat d’un activiste gay, le désarroi des militants locaux pro LGBTI ou luttant contre le sida. L’effroi de Christopher Senyonjo, évêque excommunié de l’Eglise d’Ouganda pour avoir apporté son soutien aux homosexuels ou la colère de, Kapya Kaoma pasteur zambien anglican, réfugié aux Etats-Unis suite à ses des recherches sur la dérive extrémiste de l’Eglise en Ouganda.

    La loi contre l’homosexualité ougandaise se combine à d’autres lois portant atteinte aux droits civils, comme la Loi de lutte contre la pornographie et la Loi sur le maintien de l’ordre public. Entrée en vigueur début 2014 malgré plusieurs années de pression internationale, elle a finalement été invalidée pour vice de forme par la Cour constitutionnelle d’Ouganda, mais pour combien de temps ? Aujourd’hui, les personnes LGBTI en Ouganda sont en danger, et le film a le grand mérite de nous alerter sur cette situation en donnant des clés pour la comprendre.

    Quant aux évangéliques américains, ils poursuivent leur mission dans d’autres pays d’Afrique .« Nous sommes une armée, mais notre seule arme, c’est la Bible », clament les jeunes et fanatiques de l’Inernational House of Prayer. Sauf que derrière la Bible, vient la loi, et avec elle la police, la justice, et la légitimation des violences populaires : à l’heure où nous sommes habitués à voir une face de la terreur religieuse, cet autre visage, celui de ces jeunes gens souriants chantant la louange du Christ aux enfants ougandais en guenilles, est tout aussi pernicieux et terrifiant.

    Emilie Garcia Guillen
    Emilie Garcia Guillen
    Journaliste du Suricate Magazine

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