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    Picnics à Neverland, un coup de griffe aux Riches-Claires

    Du Matahari Kollectif, mise en scène de Harry Sudène, avec Claudia Bruno, Cédric Le Goulven, Matthieu Vergez (guitare). Du 11 mai au 25 mai 2022 aux Riches Claires.

    Le Matahari Kollectif nous propose une pièce à l’écriture cash, comme un coup de revolver. L’histoire d’un délire que l’on vit à deux ou seul avec une amante maudite appelée destruction. On parle des lendemains, de la condition de la femme, de ce que l’absence d’amour propre peut causer de dégâts à soi et aux autres. On nous propose surtout d’entrer dans l’esprit d’une femme qui a vu à quoi l’enfer peut ressembler.

    Aime-moi un peu, beaucoup…

    Wendy aime son Peter. Son Peter…pan… pan… pan, comme un bruit de kalachnikov. Le Pan, comme le dieu Pan. Son Pan. Son dieu de la destruction. L’amour, avec un grand A ou un grand couteau dans le cœur. En premier lieu, ce qui déroute dans cette pièce, c’est l’écriture. Il est beaucoup questions de délires, de rage, de colère, de haine de l’Autre, des autres, de tous les autres. On comprend au fil du récit, que la narration se compose de quatre temps distincts : destruction, trauma, survie, résilience. C’est un cri de rage, de souffrance dans laquelle autodestruction, dépression et dépendance font bon ménage. Rien n’y est fondamentalement logique mais est-ce que la tristesse l’est ? Nous comprenons que le parti pris est de faire de ce spectacle quelque chose qui peut se vivre et non se comprendre.

    Passionnément, à la folie.

    Sur scène, un musicien fait résonner de longs sons mélancoliques et graves accompagnant les cinquante nuances de folie qui habitent Wendy, interprétée avec brio par Claudia Bruno qui nous délivre une performance habitée, comme on accoucherait d’un monstre. Parce qu’on y est presque… un monstre… ce personnage qui n’est pas sympathique, qui n’a même pas envie de l’être. Il aime quand ça fait mal, quand ça cogne, quand ça humilie, quand ça bat, quand ça saigne. Une  Nymphomaniac à la sauce Gus Van Sant sur fond d’une Alice d’un Lewis Carrol qui préfère mourir que de sortir de son terrier. De son côté, notre Peter Pan interprété par Cédric Le Goulven tient plus d’un Lucifer tentateur que du candide enfant perdu. Cette plongée en enfer est renforcée par la scénographie qui va venir soutenir le crescendo via le travail sur les lumières et les projections vidéos.

    Picnics à Neverland est un coup de griffe. En animal blessé, Wendy tente de se débattre avec ce sentiment terrible qui la submerge : la peur de l’abandon. Ce spectacle est une porte que l’on peut pousser l’espace d’un instant, au cœur même de la noirceur. Mais il nous rappelle aussi qu’il n’existe pas d’ombre sans lumière. Et que cette lumière réside en chacun de nous.

    Pour ressusciter, il faut savoir bruler … pour enfin… renaitre.

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