Mise en scène de Joël Pommerat, avec Ludovic Molière ou Rodolphe Martin, Isabelle Rivoal, Murielle Martinelli ou Valérie Vinci
A partir du 3 au 7 mai 2016 à 20h30 au Théâtre National
L’histoire, vous la connaissez : une petite fille s’en va par la forêt pour rendre visite à sa grand-mère bien aimée. Mais à l’heure où les fourrés s’obscurcissent, sous les grands arbres, rôdent des bêtes mystérieuses, aussi séduisantes qu’inquiétantes…
De ce récit d’apprentissage, Joël Pommerat a souligné l’ambiguïté profonde : l’inconnu y est tout à la fois terrifiant et excitant, l’animal désirable et effrayant, la solitude paralysante et libératrice. Comme dans Cendrillon, sa somptueuse adaptation d’un autre conte archiclassique, le metteur en scène a le don de toucher du doigt la puissance des émotions enfantines, des douleurs dévastatrices aux flaques d’ennui, de l’amour mélancolique aux enthousiasmes lumineux. Centré sur le point de vue de la petite fille, ce Petit Chaperon Rouge nous entraîne dans les peurs, les jeux, les doutes et les plaisirs qui dessinent une première échappée loin de la maison, une rencontre avec le monde.
Dans ce spectacle qui, en 2004, a révolutionné le théâtre pour enfants et a marqué le début du phénomène Pommerat, on repère plusieurs éléments caractéristiques de son univers : la grâce esthétique, la maîtrise de la lumière et du son surtout ; la justesse dans l’émotion, qui passe moins par la débauche des moyens et l’emphase bavarde que par l’attention à l’espace, la précision des déplacements, l’économie de mots.
On comprend l’affection qu’il a pour le conte : Pommerat ose encore un théâtre qui s’efforce de creuser vers l’essentiel. Certes, ce bref Chaperon Rouge (45 minutes qui filent à toute vitesse) est davantage destiné aux enfants que son Cendrillon, dont il n’a ni l’ampleur, ni la densité. On est pris par le voyage, on rit, on se laisse impressionner par la bête affamée, mais on en voudrait plus : plus de loup, plus de trouble, plus d’envoutement dans les bois denses. Hélas, le spectacle tourne un peu court, et – à la différence du loup qui s’est bien régalé –, on reste un peu sur sa faim.
Il n’en reste pas moins qu’on perçoit déjà, dans ce spectacle devenu un tube, ce qui rend Pommerat si fascinant, et qui relève de cette tentative toujours renouvelée de sonder avec courage, humilité et honnêteté les énigmes de l’homme à leur source. On retrouve chez lui quelque chose de la belle ambition de Camus, qui voyait dans une œuvre « ce long cheminement pour retrouver par les détours de l’art les deux ou trois images simples et grandes sur lesquelles le cœur, une première fois, s’est ouvert ». Les images de Pommerat ont cette beauté pure, qui va droit au cœur.