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    Peindre avec les lions. Imaginons les heureux

    Scénario : Fabien Grolleau
    Dessin : Anna Conzatti
    Éditeur : Dargaud
    Sortie : 09 février 2024
    Genre : Roman graphique

    Ellé sait peindre et dessiner. Du moins, c’est ce qu’on aurait dit d’elle si elle était née à l’ère contemporaine. Mais Ellé est née il y a plus de 36 000 ans, approximativement. C’est une « traceuse » qui, de son art et de ses traits, communique avec les esprits, les animaux et fait le lien entre les humains autour d’elle et l’environnement.

    Fabien Grolleau entreprend un exercice intéressant ici : la biographie fantasmée de celle (et des autres) qui serait à l’origine des traces laissées dans des grottes et des cavernes, redécouvertes il y a peu. C’est en particulier de la grotte Chauvet qu’il s’est inspiré, là où les animaux peuplent les murs, y compris des cas rares dans l’art pariétal comme des lions des cavernes.

    On plonge dans le récit de cette survie en laissant les années nous emporter, et en mettant le rationalisme de côté. Les êtres humains vivent en tribu, composée de petites familles, de la chasse et de la cueillette. La vie semble belle. Dans une volonté marquée de raconter la préhistoire autrement, l’univers présenté dans la BD est un lieu magique où les êtres s’écoutent et sont en empathie l’un envers l’autre, et avec toutes formes d’êtres, vivants ou morts. On peut tout de même être surpris de les entendre parler d’accouchement, comme si cette notion était maîtrisée, en théorie et en pratique, ce qui paraît un peu anachronique, mais après tout, pourquoi pas ?

    Romantisation?

    On pourrait reprocher la romantisation à outrance de notre passé commun. Fabien Grolleau raconte une société pré-hippie, où les conflits n’existent pas, les religions monothéistes non plus. Les corps sont libres, libérés d’un certain poids culturel et de la « culpabilité » d’être nus face aux autres. Les danses autour du feu sont nombreuses. Malgré cet angélisme pastoral, on ne lui en veut pas. L’auteur s’est tourné vers des préhistoriennes pour qui il est important de raconter ce passé autrement, d’évoquer la possibilité que la survie de tous les instants ne fut pas malheureuse. Et même d’imaginer qu’ils et elles furent heureux et heureuses.

    Si le quotidien intime n’est au final pas tant développé, les ellipses narratives couvrant 37 années ne permettant pas de raconter en détails la vie d’Ellé, c’est dans une sorte d’hypnose temporelle qu’on parcourt ce roman graphique mis en couleur par Anna Conzatti. C’est grâce à elle, son dessin plein d’humanité bonhomme et ses couleurs fuchsia qu’on se prend à rêver et à s’imaginer vivre avec Ellé, 36 000 ans avant notre ère. On aurait aimé laisser nos traces sur les murs de la grotte Chauvet, à côté des siennes.

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