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    « Pauvres créatures », la joie du sexe sans morale

    Pauvres créatures
    de Yórgos Lánthimos
    Drame, Fantastique, Science Fiction, Romance
    Avec Emma Stone, Mark Ruffalo, Willem Dafoe
    Sortie le 17 janvier 2024

    Canard-chèvre ou cochon-oie, nous sommes dans un monde qui n’existe pas. Une femme (Emma Stone) se suicide en sautant d’un pont. On la retrouve cependant vivante à l’intérieur du cabinet des curiosités d’un savant fou, Dr. Godwin Baxter (Willem Dafoe), qui demande qu’on l’appelle « Dieu ». Sauf qu’elle n’est plus « elle-même », plus tout à fait du moins. Son corps n’a pas changé, excepté la trace d’une cicatrice sur le ventre, là où on a retiré le bébé qu’elle allait mettre au monde. Son esprit est différent, toutefois, libre de toutes conventions sociales.

    Dans cet univers qui existe pourtant, les hommes enferment les femmes, pour des raisons différentes mais surtout pour contrôler ce qu’elles font ou ne font pas de leur clitoris. Dieu enferme donc Bella Baxter, le nom qu’il lui a donné, sujet/objet de son expérience. Jusqu’à ce que d’autres hommes, menés par le désir (de coucher avec Bella, notamment), ne lui fassent miroiter une liberté promise pour mieux l’isoler et la posséder. En particulier Duncan Wedderburn (Mark Ruffalo), qui est convaincu d’arriver à ses fins.

    Pauvres créatures est plus étrange que ce que ces mots ne le laissent paraître et ne pourraient le laisser transparaître. Situé à Londres, puis dans l’Europe d’un fin XIXème siècle fantasque et fantasmé, c’est un film bizarre et baroque, remuant et ne laissant personne indifférent, composé d’organes découpés, de vomis cyniques, au propre comme au figuré, et d’une capacité émotive limitée. C’est un univers de tons criards frôlant le kitsch, mélange de Jean-Pierre Jeunet et Terry Gilliam sous acide, où la caméra elle-même semble détraquée, comme un œil disant merde à l’autre. avec ses objectifs grand angle et ses focales redéfinissant le monde.

    Le film de Yorgos Lanthimos tient par ce ton décalé et non conventionnel, son casting et ses personnages, plus que par son histoire classique en soi de découverte intime et d’éveil au monde d’une femme-enfant. Sauf que Bella a un clitoris, et que soudainement, elle le découvre. Hors société malgré elle, elle veut et va alors plonger à pleine main dans cette exploration d’elle-même, sans pudeur ni honte (pourquoi en aurait-elle ?). Elle souhaite « bondir furieusement » avec qui veut, quand son corps en a besoin, et recrache les hommes une fois contentée, jusqu’au prochain accès de désir. Emma Stone, pleine d’aplomb, s’en donne à cœur joie, l’éveil intellectuel et sexuel se lisant dans ses traits.

    Le film n’évite pas toujours le bavardage philosophique sec et abrupt. Il est également un peu trop long dans sa seconde partie, si on estime que le film est découpé en trois, comme un récit classique. Mais, s’articulant autour d’hommes incapables d’exprimer leurs émotions et d’une fille autiste semblant n’en éprouver aucune, Pauvres créatures observe à la loupe et avec finesse un univers qui pourrait être le nôtre, s’échappant de l’excision physique et symbolique des femmes par les hommes pour penser le sexe comme un acte physique dénué de toute morale, comme la mort, et offert à tous les corps.

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