Scénario : Sophia Glock
Dessin : Sophia Glock
Éditeur : Casterman
Sortie : 17 août 2022
Genre : Roman graphique
Naïve mais pas incrédule, Sophia sait que si elle déménage aussi souvent, sans ne pouvoir jamais dire où elle se rend, c’est qu’il y a anguille sous roche. Pas de doute : ses parents sont forcément des espions. Dit comme ça, ça paraît balèze. De quoi faire rêver dans les cours de récré. Mais le quotidien de Sophia, loin de l’adrénaline du démantèlement d’une nouvelle arme nucléaire, c’est la compagnie ingrate d’un secret familial qui lui interdit d’inviter des amies à la maison.
Ce que l’illustratrice raconte dans ce premier roman graphique et autobiographique, ce n’est pas un récit de super-héros glamours, avec leurs costumes chics et leurs armes de gros calibre. Non. Sophia Glock nous dévoile l’intimité de son 17e printemps, ses premiers amours et ses amitiés compliquées. Cette année-là, l’adolescente dégingandée, éternelle expatriée, est encore transbahutée dans un nouveau pays d’Amérique latine, sans avoir son mot à dire. Elle entame sa scolarité dans un lycée public, où la barrière de la langue rend son intégration difficile, pour finir dans l’invariable lycée américain. Sur son chemin, elle croise Paul, Mimi, et Beth. Ce qui donne à l’histoire son mystère, ce n’est finalement pas tant la vie secrète des darons – dont la véritable profession est intentionnellement livrée assez tard au lecteur – que la richesse et la complexité des relations que Sophia tisse.
Très protocolaire
Sophia nous dessine, dans Passeport, cette gravité universelle de la jeunesse. Son innocence. Mais elle y ajoute la singularité de sa propre histoire traversée par des thèmes comme celui de la migration. Comment vivre dans un autre pays que le sien ? Peut-on se sentir citoyenne d’un pays dans lequel on n’a jamais vécu ? Outre la question du déracinement, c’est aussi celle de l’impact des secrets dans le développement de la cellule familiale qui est posée. La postface en dit long sur le caractère anormalement protocolaire d’une telle existence – le livre ayant été soumis à un processus de contrôle assez strict avant sa parution. Ce mélange entre l’universalité de l’expérience adolescente et la particularité d’une vie menée dans l’ombre rend le sujet intrigant. On regrette juste que l’autrice, l’or dans ses mains, n’ait pas fait d’une telle matière un véritable bijou. Le propos reste très linéaire, chronologique – à l’opposé de ce qu’elle raconte. Le dessin simpliste nous paraît faible dès lors qu’il ne cesse d’être mis en valeur dans des cases trop larges, des pages trop pleines, supposées exprimer la profondeur de l’intimité. Dans l’ensemble, le Passeport se lit très bien, facile et émouvant, mais il manque peut-être un petit quelque chose en plus qui ferait la différence