Réalisateur de Xenia, Panos Koutras se confie au Suricate magazine en toute amabilité sur la sortie de son film pour en discuter et partager quelques différentes réflexions qui le concernent.
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Beaucoup de soi, encore plus de travail !
Je fais un film tous les cinq ans environ. Je suis scénariste, réalisateur et producteur sur mes films. J’y mets beaucoup de moi-même, donc ça devient plus qu’un projet pour moi : ça prend tellement de temps de ma vie que ça devient ma vie. Pour Xenia, il y avait beaucoup de travail sur le scénario et surtout sur le casting des deux garçons qui nous a pris un an et demi. On a ensuite fait neuf mois de répétitions en retravaillant le scénario avec eux. Un film n’est pas une idée que je réalise avec ma baguette magique, beaucoup de travail se cache derrière mais beaucoup de ma vie aussi.
L’énergie de la jeunesse
Quand on les a choisis, Nikos et Kostas étaient presque des enfants, surtout Kostas qui avait 17 ans lors du premier casting. Lorsque le tournage a commencé un an après, il avait 18 ans. Il y avait cette énergie de la part des deux acteurs, ils se donnaient comme des enfants. Pour eux, c’étaient un jeu, même si c’était très fatiguant. J’ai beaucoup reposé sur cette énergie de jeunesse car je considérais le film comme un regard sur la jeunesse passée et sur la jeunesse en général. J’ai beaucoup visé sur l’adolescence, la jeunesse, et tout ce qui en découle : l’énergie, le rêve, la déception… tout ce qui fait un jeune homme. Maintenant que je vois le film avec du recul, je remarque qu’il s’agit d’une revisite de ma propre jeunesse. Il est vrai qu’être producteur sur mon propre film, surtout quand c’est un film indépendant, est un privilège car j’ai eu beaucoup de temps pour le préparer et pour faire des répétitions. On vivait presque ensemble pendant longtemps, il y avait un lien qui se créait entre nous trois, comme si j’étais leur grand frère ou plutôt leur père.
La musique en tant qu’identité
Les deux personnages ont un côté musical : leur mère est une chanteuse déchue qui n’a jamais pu réaliser son rêve de devenir grande chanteuse, de devenir une Patty Pravo. Ceci surtout car elle est une immigrée. L’immigration est une atroce objectivisation de l’être. En arrivant dans un nouveau pays, on devient un objet, un être sans identité, on devient un immigré. Ces gens-là qui viennent d’un autre pays, ils ont une identité, peut-être un talent. Dans le cas du film, les enfants sont des artistes, surtout Odysseas qui est un grand chanteur. Il y avait des références musicales personnelles mais aussi une recherche. Je sais qu’en Albanie, avant la chute du communisme, quand les frontières étaient fermées, la seule chose qu’on pouvait écouter était la radio italienne. Tous les albanais de cette génération, même les parents des acteurs du film, ont grandi avec la musique populaire italienne. Quand j’ai rencontré les parents de mes acteurs, ils connaissaient toutes ces chansons. Il est important pour moi que cette musique populaire puisse réunir le peuple.
La peur de la différence
Ne soyons pas dupes ! Le monde est xénophobe, homophobe et raciste. C’est une éducation de ne pas l’être. Les gens naissent avec la peur de ce qui est différent et de ce qui est étrange. La Grèce est un pays qui est exposé à tout cela. La situation présente a même fait ressortir le pire en nous. Malheureusement, on a la tendance en tant qu’être humain à blâmer l’autre. Si l’autre est différent, une raison de plus pour le blâmer. On est dans une période où il y a une montée de violence et d’extrême un peu partout dans le monde. Il faut essayer de comprendre d’où ça vient et de le combattre.
Bigger than life
Dany est un enfant traumatisé, blessé. Odysseas aussi mais Dany, c’est plus fort en lui. Il est un homosexuel et un immigré. Il a beaucoup de choses pour se défendre contre la société. Et comme il est très intelligent, il construit un monde imaginaire pour combattre les difficultés et prolonger son enfance, une enfance qu’il n’a jamais vraiment eu. Le lapin, le rêve, tout ça est une deuxième réalité dans laquelle il s’échappe. Il devient victime à un moment et demande à son frère de tuer le lapin. Mais jusqu’à ce moment, il reste très intelligent : il se sert du monde réel et du monde imaginaire pour ses propres buts. C’est un enfant diabolique, très charmeur. Le film commence à travers les yeux de Dany, avec le lapin. Et on partage le monde d’un être blessé mais génial, fantaisiste, fou, artiste, manager de son frère. C’est un personnage « bigger than life ». J’ai beaucoup de tendresse pour le personnage de Dany parce qu’il se bat et il ne se laisse pas aller. Il se défend en tant qu’albanais, en tant qu’immigré, en tant que gay, en tant que différent. Et pour moi, c’est important.
Propos recueillis par Patrick Tass