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    « Oskar et Bianca », le dernier tour de piste des Patersonne

    Vieux artistes de music-hall en fin de vie, les partenaires, à la ville comme à la scène, donnent leur dernière représentation sous le regard désarmé de leurs trois filles. Un hymne à l’amour et aux artistes composé avec poésie par Axel De Booseré et Maggy Jacot.

    Sur fond d’une douce musique jazzy, le rideau se lève. Une femme, pantalon gris, chemisier noir, ouvre une tenture qui donne sur une chambre d’hôpital. Une femme, manifestement âgée et inconsciente, est alitée. 

    La femme en gris fait un geste de la main, le noir se fait sur scène. Très vite, la lumière revient et l’on retrouve la chambre. Un homme également âgé est au chevet de la femme souffrante. Nouveau geste, nouveau noir. Trois femmes se sont ajoutées à la scène identique. Encore un geste, encore un noir, les trois femmes tentent d’emmener l’homme hors de la chambre. Noir.

    On retrouve les trois filles qui viennent d’arriver dans la chambre. Elles parlent en se mettant à l’aise sans prêter grand attention à leur mère (Eliane Jortay) qui se repose. « Dany est mort ? », demande l’une d’elle. Les réponses sont mitigées, personne n’a vu le faire-part, mais « en principe, il est mort ».

    Il y a Christine (Delphine Bibet), l’aînée, vêtue d’une robe bleu pastel, qui prépare un atelier pralines pour l’anniversaire d’un enfant de neuf ans. Thérèse (Joëlle Franco), dans un ensemble vert bouteille, n’a pas d’enfants. « Encore heureux », raille sa grande sœur. Julie (Anne-Pascale Clairembourg), la dernière, dans des tons oranges, n’a pas d’enfant non plus et donne des cours de yoga.

    On sent déjà une grande différence de caractère entre les trois sœurs. Les aînées sont plutôt tranchantes, affirmées, alors que la cadette semble plus émotive, voire insouciante. Elles ont vécu la même enfance mais ont suivi, ensuite, des trajectoires différentes. Les deux premières ont choisi la stabilité, la sécurité, en rupture avec l’enfance qu’elles ont vécue avec des parents artistes de music-hall tandis que Julie a gardé une part de rêve et de fantaisie. Elle est toujours en recherche, en questionnement.

    Très pragmatique, Christine embarque, en prenant ses sœurs à témoin, l’argent qui se trouve dans le portefeuille de sa mère. Thérèse se plaint des odeurs, « t’as déjà été dans un hôpital qui sent bon ? » lui assène son aînée. Toutes deux se parlent sans s’écouter. Lorsque la malade gémit, elles se tournent vers elle, sont (brièvement) en alerte.

    On apprend ensuite que la mère vient de subir, à 83 ans, une opération à cœur ouvert. Et les sœurs de s’interroger sur le fondement d’une telle décision à laquelle elles n’ont pas été associées, d’autant que « les conséquences, c’est pour nous ». Christine considère que son père a perdu la tête. Julie prend la défense de ses parents arguant que papa aime maman et maman aime papa. « Tout le monde ne connaît pas un grand amour (60 ans, quand même) dans sa vie ».

    En bord de scène, la dame en gris installe une table avec un bol, une soupière et une orange, deux chaises. On y retrouve le père (Christian Crahay), prostré, muet, presque immobile, l’orange à la main. Christine lui adresse des reproches – il ne s’occupe pas du chat, il ne mange pas sa soupe – avant de changé de registre. Elle sent qu’elle le perd et n’a pas envie de le perdre. Mais, même si elle évoque les souvenirs joyeux d’une tournée à New-York, c’est le poids du père qui la préoccupe : « tu es un bébé sans avenir »… Thérèse a autant de reproches à lui adresser mais quand surgit Julie, le paternel s’écroule sur la table.

    On retrouve les deux parents à l’hôpital. Les filles sont là et fouillent dans les souvenirs et les costumes du spectacle. Les reproches fusent à nouveau, à propos de Bianca : avoir déménage tous les deux ans, ne pas rentrer à la maison pendant des semaines, les laissant seules avec le père, partir vivre deux ans dans un kibboutz, … Julie s’énerve sur ses sœurs, leur reprochant de dire des horreurs alors que pour elle, quand elle se réveille chaque jour, « il doit y avoir un petit quelque chose à rêver ». Comme leur maman leur a appris.

    Les artistes de music-hall Oskar et Bianca Patersonne seront réunis dans la mort et leur filles dans le deuil. Parce que toutes les chamailleries, les reproches, ne sont que l’expression d’un amour, d’un respect, qui ne trouve à s’exprimer que dans la proximité de l’absence qui s’annonce. Avant d’arriver au funérarium où deux cercueils sont alignés côte à côte, Oskar brille de mille feux dans une scène onirique où il déclare son amour à sa femme mais n’oublie en aucun cas ses trois filles.

    Marques de fabrique des créations de Maggy Jacot et Axel De Booseré (Cie Pop-Up), la poésie, les couleurs, la danse et la musique mettent en valeur le jeu sans faille du comédien et des comédiennes (on ne peut s’empêcher d’applaudir particulièrement le monologue époustouflant « de la croûte » mené tambours battants par Anne-Pascale Clairembourg). L’autrice de la pièce, Mireille Bailly a réussi à mettre des mots à la fois sensibles et plein d’humour pour parler de personnes âgées et de la perte d’un être proche. Également comédienne, elle assume le rôle de maîtresse de cérémonie toute de gris vêtue qui se mue, à la fin, en ordonnateur des pompes funèbres. 

    Effleurant à peine les considérations sur la fin de vie, abordant le thème de la transmission en filigrane, Oskar et Bianca se veut surtout un hymne à l’amour et aux artistes, à ceux qui ont mis leur confort et parfois leur vie en danger pour émerveiller le public. Et la scène finale, qui répond aux inquiétudes des trois sœurs de ne voir personne aux funérailles, Vaut tous les hommages que l’on peut leur rendre.

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    De Mireille Bailly Conception et réalisation Maggy Jacot et Axel De Booseré (Cie Pop-Up)Avec Mireille Bailly, Delphine Bibet, Anne-Pascale Clairembourg, Christian Crahay, Joëlle Franco, et Eliane Jortay Au Théâtre des Martyrs Du 17 septembre au 22 septembre 2024Au Théâtre de LiègeDu 11 décembre au...« Oskar et Bianca », le dernier tour de piste des Patersonne