De Virgina Woolf, mise en scène de Guy Cassiers, avec Katelijne Damen, crédit photo © Frieke Janssens
A partir du 11 au 14 mai 2016 à 20h30 au Théâtre National
Orlando – un des plus célèbres roman de Virginia Woolf, écrit en 1928 – raconte la densité multipliée d’une vie sur Terre : en 300 pages, Orlando traverse 300 ans d’histoire, de la fin du XVIe siècle aux années 1920, et passe d’un sexe à l’autre, en se réveillant soudaine femme alors qu’il approche la trentaine.
Si Orlando vit des aventures insensées, de la passion avec une princesse russe au vagabondage parmi des Tziganes, le récit est surtout l’occasion de délier la langue de Virginia Woolf. Empreint d’une sensualité débordante, d’un appétit de vivre noué à la poésie et aux vibrations de la nature, d’une liberté farouche, le style de Virginia Woolf est vif et passionné, souvent teinté d’humour. L’excellent Guy Cassiers, qui voit dans ce texte une « ode à la vie », confie la narration de larges extraits à Katelijne Damen, grand nom du théâtre flamand.
La mise en scène est sobre : en robe blanche d’un autre âge évoquant Virginia sur les photos que l’on a d’elle jeu, Katelijne Damen en biographe nous raconte Orlando, en manipulant de grands blocs de métal qui forment au sol comme des cartes déployées sur un grand jeu d’échec, des pages d’une vie que l’on tournerait à mesure qu’on la retrace. On sent son plaisir à se glisser dans les mots de Woolf pour parler de son magnifique, de sa stupéfiante Orlando : la comédienne s’extasie avec lui (ou elle), pleure et rit avec elle (ou lui).
Il y a dans Orlando une ouverture au potentiel créatif de la vie dans toutes ses possibilités, à la réalité dans tout ce qu’elle recèle, enthousiasmante et lumineuse : « Orlando nous apprend à regarder, à écouter, à sentir », observe Guy Cassiers. Mais il n’est pas aisé de passer de cette poésie, baroque, dense, facétieuse, pas toujours facile à suivre, au théâtre, et l’écriture romanesque ne passe pas complètement le cap de la scène… pour un non néerlandophone. En effet, le surtitrage appauvrit à la fois la langue de la traduction en néerlandais et ne permet pas vraiment de se laisser porter par le jeu. Orlando perd en fluidité, alors que sa force réside précisément dans son mouvement singulier, dans le rythme de ce temps qui s’accélère, dans le déploiement de cette vie hors du commun dont les heureux néerlandophones ne perdent pas une miette.
Dommage : conçu comme un souffle à la fois léger et vivifiant, cet Orlando devient une expérience un peu longue, lourde et heurtée, alors que ses 300 ans volent si vite.