Man will conquer space soon !
-Titre d’une série d’articles de Wernher Von Braun pour le Collier’s Magazine, 1950-
Mais que font ces scientifiques barbus, taquins, en redingote, en train de sauter dans tous les sens, serrés les uns contre les autres dans un gros projectile ? Et voilà qu’ils sont envoyés en l’air à une vitesse supersonique par un canon immense, puis qu’ils s’écrasent sur la grosse tête de fromage de notre satellite qui n’a pas l’air très content… Et après une série de péripéties avec les habitants du coin, ils redescendent sur Terre, accompagnés par un Sélénite en chair et en os !
En 1902, l’homme est allé sur la Lune et en est revenu sain et sauf.
Le 1er septembre de cette année-là, Le Voyage dans la Lune de George Méliès sort en salles. C’est le premier film de science-fiction de l’histoire. Six ans, neuf mois et trois jours après la première représentation publique dans un cinéma, et soixante-six ans, dix mois et vingt jours avant que Neil Armstrong ne prononce à la radio le 20 juillet 1969 : » That’s one small step for [a] man, one giant leap for mankind. »
Le cinéma incarne depuis sa naissance le miroir magique sur lequel projeter les rêves de l’homme. Justement, y a-t-il un rêve plus grand que celui de la conquête de l’espace ?
Le cinéma de science-fiction s’inspire des progrès scientifiques et offre, en même temps, aux hommes de nouvelles ambitions.
En 1924, l’ingénieur moscovite Los rejoint Mars pour éduquer son peuple au socialisme, et pour enseigner l’art du baiser à sa reine, la belle Aelita (Aelita de Jakov Aleksandrovič Protazanov). Quelques années plus tard, Fritz Lang présente au public La Femme sur la Lune (Frau im Mond) et les bases scientifiques essentielles pour voler dans l’espace à bord d’une fusée, en se servant entre autres de la consultation des experts les plus importants de l’époque.
A partir des années 50, la course à l’espace engagée par les deux superpuissances en compétition a généré et influencé des centaines de films dont l’histoire est basée sur les voyages spatiaux. Le programme américain, après s’être défait de son caractère uniquement militaire, s’est amplement servi du cinéma pour rendre l’opinion publique plus favorable à l’idée que le gouvernement investissait chaque année des milliards de dollars dans la recherche spatiale.
En 1950, Irving Pichel avec Destination… Lune ! (Destination Moon) signe le début de la “science-fiction adulte”. Il expose les problèmes scientifiques du voyage vers notre satellite et consulte des spécialistes et des dessinateurs astronomiques pour réaliser son film. La Conquête de l’Espace de 1955 (Conquest of Space de Byron Haskin) a, semble-t-il, été influencée par les idées du chef de la NASA, Wernher Von Braun. Ce dernier a collaboré avec Disney pour réaliser des documentaires pour la télévision, avec l’intention explicite de rendre publique les œuvres de l’agence spatiale américaine. Ces documentaires ont été visionnés par des millions de personnes.
Pendant ces années-là, le cinéma de science-fiction était encore relayé au rang de cinéma de série B, mais la production Hollywoodienne n’était pas pour autant pauvre en imagination ni incapable de fournir par ci par là quelques pépites. Dans La Planète interdite (Forbidden Planet de Fred McLeod Wilcox), une mission de sauvetage est envoyée vers Altair IV pour secourir la colonie humaine implantée là-bas vingt ans plus tôt, et dont plus personne n’avait de nouvelles. Dans le Choc des mondes (When Worlds Collide de Rudolph Maté), l’humanité embarque à bord de grandes fusées en forme de cigare vers Zyra pour se sauver de la destruction imminente de la Terre.
…And the stars look very different today…
-David Bowie, Space Oddity 1969-
En 1957, Spoutnik est placé en orbite autour de la Terre et un mois plus tard, c’est le tour du premier être vivant, la malchanceuse mais non moins connue Laïka. En 1961 Youri Gagarine affirme : “Je vois la Terre… Elle est magnifique ! Sans frontière ni limite”.
L’énergie dépensée par les USA et l’URSS a généré des innovations continues pendant ces années-là. Les yeux du monde entier sont tournés vers les étoiles.
Pendant ce temps, au cinéma, l’homme arrive de plus en plus loin. Charlton Heston rejoint la Planète des Singes (Planet of the Apes de Franklin J. Schaffner), on est en 1968 et le cinéma de science-fiction devient mainstream.
La même année, on découvre qu’à la toute fin de l’univers, il y a une salle blanche décorée en style empire, où toutes les questions pourraient enfin trouver une réponse. Ou peut-être que le sens de toutes choses est justement une question ? 2001 Odysée de l’espace (2001: A Space Odyssey de Stanley Kubrick) changera à jamais l’idée des voyages dans l’espace au cinéma.
Kubrick, perfectionniste un peu maniaque, était profondément irrité par l’écart qui existait entre les connaissances scientifiques et le public de masse. Il a donc choisi de ne pas faire confiance à l’équipe des effets spéciaux proposée par la maison de production, mais d’en former une nouvelle. Le consultant scientifique de 2001, Odyssée de l’Espace, Frederick Ordway, afin de décrire de manière convaincante le monde de demain et son quotidien, sollicite General Electric, Bell Telephon, Honeywell, IBM, RCA et Whirpool. Tous les éléments ont été recréés avec une méticulosité extrême, typique du travail de Kubrick (voyez donc les instructions du zero gravity toilet). La précision est telle qu’elle a même surpris le directeur des bureaux de la NASA pour les vols humains dans l’espace, George Mueller, qui en visitant le décor a déclaré, émerveillé : “ Nous faisons face ici à la succursale européenne de la NASA ! ”. Ce fut le premier film à recréer sur écran des environnements zéro gravité, et des structures sophistiquées vraisemblables et soignées, comme la tête de la navette Discovery où loge l’équipage, appelée “centrifugeuse” parce qu’elle est en rotation continue.
La station spatiale en forme de roue se base sur un projet de Wernher Von Braun. La navette spatiale qui transporte Floyd sur la station qui gravite a, grosso modo, la même forme qu’un Space shuttle, lancé en orbite pour la première fois treize ans plus tard. La perfection des détails atteint un sommet destiné à rester longtemps inégalé, à tel point que le cosmonaute russe Leonov, de retour d’une mission de la Vostok, a déclaré après avoir vu le film : “Maintenant, je suis allé deux fois dans l’Espace”.
Un an après, la course à l’espace a rejoint son point culminant. L’homme a débarqué sur la Lune, sous les yeux de millions de personnes du monde entier, qui ont suivi l’événement en direct à la télévision. Ou peut-être pas ? Peut-être que ça n’a été qu’une farce, une mise en scène, tournée, d’après certains, par le même Kubrick, dans un hangar super secret de la NASA pour tromper les russes et le monde entier. Les “comploteurs” de la Lune le soutiennent depuis (même si la NASA a plusieurs fois réfuté ces hypothèses en présentant des données et du matériel scientifiques). Complots à part, ce qui est sûr c’est qu’en atteignant notre satellite, l’intérêt pour les voyages dans l’espace s’est éteint petit à petit. La guerre froide se “réchauffe”, et les fonds immenses, mis à disposition pendant ces années glorieuses, se réduisent peu à peu. Tout le contraire de ce qu’il se passe au cinéma, en somme.
May the Force be with you
-General Dodonna to Luke Skywalker, Star Wars 1977-
Les années 70 commencent avec le chef d’œuvre soviétique Solaris (Solaris d’Andrej Tarkovski) et se terminent avec deux des films qui marqueront à jamais l’imaginaire collectif. En 1979 c’est à bord de la navette spatiale Nostromo, dirigée vers la Terre avec la soute remplie de minéraux extraits sur la planète Thedus, que le ventre de l’astronaute Kane explose et libère le maléfique Alien (Alien de Ridley Scott). Deux ans plus tôt seulement, le premier épisode (ou peut être le quatrième ? Non le quarante cinquième… ? Non, pour moi, ça reste le premier) de la saga de la Guerre des Etoiles (Star Wars de George Lucas) sort en salles. Le monde n’était alors plus le même.
Au-delà de l’incroyable impact médiatique et culturel que la saga de Lucas aura sur les générations à venir, de l’inégalable génialité donc il a fait preuve pour construire un ensemble de mondes, de peuples et de cultures, et de la beauté des effets spéciaux, il est intéressant de remarquer le concept d’hyperespace que le réalisateur introduit pour la première fois au cinéma. Grâce au “saut dans l’hyperespace”, un genre de dimension ultérieure de l’univers, il est possible de se déplacer à des distances inimaginables en un temps record, sans pour autant voyager à la vitesse de la lumière (ce qui, on le sait, est impossible) : une idée non dissemblable de celle à l’origine des wormhole.
Les années 80 représentent LA décennie du cinéma de science-fiction. Cependant, malgré la sortie de grands titres qui marqueront l’histoire du genre (Blade Runner, E.T., Rencontres du troisième type), la conquête de l’espace marque une pause. Sur le grand écran comme dans la réalité. C’est certain, Dark Vador lance la contre-attaque de l’empire – Luke, je suis ton père – (L’Empire contre-attaque, titre original: The Empire Strikes Back d’Irvin Kershner suivi par Le Retour du Jedi – The return of the Jedi de Richard Marquand) et Ripley combat encore contre une armée d’impitoyables monstres baveux (Aliens, le retour, titre original : Aliens de James Cameron), mais ces films ne sont habités que par des idées déjà existantes.
Quelques thèmes intéressants sont quand même proposés par un cinéma de genre, considéré plutôt comme cinéma pour jeunes. Comme Explorers (de Joe Dante), qui voit Ethan Hawke et River Phoenix, à leurs débuts dans le cinéma, s’essayer dans la construction d’une navette, faite d’épaves récupérées sur de vieux manèges. Le Vol du Navigateur (Flight of the Navigator de Randal Kleiser) repropose le thème des voyages dans l’espace-temps. Sans oublier par la suite la très travaillée et hallucinante bataille pour la suprématie sur l’extraction de l’épice, la seule substance capable de permettre des voyages interstellaires, dans Dune, de David Lynch.
Get your ass to Mars !
-Arnold Schwarzenegger to Himself, Total Recall, 1990-
Dans les années 90, les technologies d’effets spéciaux digitaux atteignent leur pleine maturité. Et les voyages dans l’espace reprennent à plein régime. Mars est colonisée depuis des années et exploitée dans un but d’extraction dans Total Recall de Paul Verhoeven, et on peut faire des croisières dans l’espace à bord de bateaux luxueux et excentriques, comme la Floshton Paradise (Le Cinquième Élément de Luc Besson). Ou alors, on peut s’inventer un casus belli pour envahir une planète peuplée par des prétendus insectes terroristes (Starship Troopers de Paul Verhoeven). La science-fiction est de plus en plus tournée vers l’action movie. Robert Zemeckis, avec Contact, s’écarte un peu de cette logique, en reproposant le thème du voyage dans le tunnel spatio-temporel, un genre de télé-transport qui permet à Jodie Foster de réaliser des voyages à la limite de l’univers, pour ensuite rentrer sur Terre sans qu’il ne se soit passé un instant. A la fin de cette décennie, Star Wars, épisode I: La Menace fantôme, le premier épisode de la nouvelle trilogie de la saga La guerre des Etoiles sort en salles.
Les années 2000 s’ouvrent avec le fiasco retentissant de Mission to Mars, de Brian de Palma, qui symbolise malgré tout le prochain objectif de l’humanité : Mars ! Depuis les années 70, même si la période a été entrecoupée par de nombreux insuccès dus, d’après certains, à la présence d’un Ghoul Galactique qui dévorait les sondes, l’Union Soviétique et les Etats-Unis ont réussi à faire atterrir des Lander sur la superficie de la planète rouge. Mais le plus grand rêve, celui d’emmener un homme fouler la superficie d’un autre corps céleste, reste irréalisé. Trop risqué ou trop coûteux ? Récemment, le milliardaire américain Dennis Tito a lancé un projet privé qui garantit que l’homme touchera le sol martien en 2018. On verra bien.
Au cinéma, pendant ce temps, l’homme a réussi à rejoindre la planète consciente Pandora (Avatar de James Cameron), pour, bien évidemment, piller ses réserves d’hydrocarbures. Il est aussi revenu sur le précurseur cinématographique de Pandora, l’intelligent et sournois Solaris, dans le remake de Steven Sodenbergh. Les effets nuisibles des longs voyages dans l’espace, appelés Syndrome Orbitale Dysfonctionnel, sont explorés avec truculence dans Pandorum, de Christian Alvart.
Space: the final frontier.
-Star Trek introduction of each episode-
Dans l’ensemble, le cinéma de science-fiction des dernières années semble bien pauvre d’idées, à l’exception du méconnu mais non moins bien fait Moon de Duncan Jones (fils de David “Starman” Bowie, bon sang ne saurait mentir). Gravity, d’Alfonso Cuaron, qui appartient au courant probablement ouvert par Apollo 13 de Ron Howard, dans lequel la science-fiction se marie à l’histoire, est incroyablement bien fait et riche en détails véridiques et impressionnants. Tout est reconstruit dans les moindres détails, tout est parfait, mais tout a déjà été fait. Même les deux chapitres de la saga infinie de Star Trek (Star Trek et Into the Darkness – Star Trek, de J.J. Abrams) ont de belles façades mais il n’y a rien derrière.
Dans quelques jours (le 5 novembre 2014) sort au cinéma Interstellar de Christopher Nolan, qui s’est déjà risqué quelques fois dans le courant de la science-fiction, avec des résultats raisonnables. La Terre est en train de devenir inhabitable, le seul espoir est une émigration de masse vers de nouvelles planètes où l’on peut vivre. D’accord, mais comment ? A travers un wormhole, bien sûr.
Les wormhole ou « ponts d’Einstein-Rosen » sont des raccourcis (ou des ponts, justement) entre les différents points de l’espace ou du temps de l’univers. Ils permettraient de se déplacer entre deux points très éloignés dans un temps fondamentalement égal à zéro. C’est une théorie qui est à l’étude depuis des années. Qui sait si ce film ne deviendra pas le précurseur de quelque chose qui deviendra d’usage commun dans les années à venir ? L’espace reste la dernière frontière, le rêve continue !