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    Nos poils. Les femmes poilues existent : elle le sont toutes

    Scénario : Lili Sohn
    Dessin : Lili Sohn
    Éditeur : Casterman
    Sortie : 05 mars 2025
    Genre : Humour

    Lili Sohn sort cette année Nos poils. Mon année d’exploration du poil féminin. L’autrice avait déjà publié il y a quelques années des romans graphiques sur le Camino de Santiago et son pèlerinage bien connu, sur son cancer et sur son vagin (et celui des femmes). En 2025, derrière une couverture verte et rose fluo, elle révèle au monde sa pilosité, son rapport aux poils et le rapport général que la société occidentale entretient avec les poils, et en particulier les poils des femmes.

    Cet ouvrage, découpé en une multitude de petits chapitres, alternera donc la vie intime de l’autrice avec l’obsession de la chasse aux poils (féminins). Lili Sohn, pour débuter l’aventure, décide durant le mois de janvier de ne plus se raser/s’épiler/se couper les poils. Du moins, elle décide d’essayer et de voir ce qu’il en relève, peu aidé par le dégoût manifeste de Martin, l’homme qui partage sa vie. Durant douze mois, elle fera part de ses avancées, qui n’iront pas toutes dans le sens du poil : par moments, lorsque l’été se rapproche et que les vêtements raccourcissent, la pression sociétale étant trop forte, elle se coupera certains poils.

    Il ne s’agit pas pour autant d’un échec ou d’une faillit du projet de base. Son but n’est pas de combattre toutes les injonctions sociales liées au poil des femmes, mais de s’interroger, de questionner son quotidien qui lui coûte en temps et en argent. Elle ne souhaite pas non plus propager une nouvelle injonction : celle de se foutre de tout et de ne plus raser ni sa chatte ni les forêts (dans une perspective éco-féministe, ce dont elle parle dans quelques pages). Elle dit aux femmes de surtout bien faire ce qu’elles ont envie de faire, mais d’être conscientes que cet état de fait, le corps nu et glabre, le sexe épilé, les aisselles rasées, la moustache éradiquée, ce sont des codes établis par la société patriarcale qui dicte quels corps seront désirés ou désirables.

    La démarche est louable, d’autant plus que le sujet reste très fort d’actualité. Il reste relativement peu commun de voir, dans des médias mainstream, des femmes non rasées de près. Toutefois, étant donné qu’elle explique que le projet date d’il y a 5 ans, de 2019 précisément, on peut se demander pourquoi la date de publication se fait cette année. Ses avancées personnelles, souvent marquées par des moments de rasage, de pause, montrent surtout que les injonctions restent tenaces (ce qui était bien l’intention de l’autrice).

    Si les poils féminins ne font pas l’actualité, le fait de côtoyer certaines femmes ou personnes qui semblent être bien plus équilibrées à l’exposition de leurs poils que l’autrice et sa démarche rend l’ouvrage sympathique et touchant par son côté naïf et sa tentative de radicalisation. Certaines de ses interrogations paressent triviales (on se demande si le dilemme de ne pas se raser les poils de maillot en été ne peut pas se résoudre aussi par acheter un autre type de maillot, sans pour autant s’empêcher d’aller nager ou de montrer partiellement son corps) même s’il faut peut-être vivre l’injonction dans son corps et sa tête pour bien en saisir les nuances de stress qu’elle impose.

    Bien que la BD fasse presque 250 pages, on en vient aussi à se surprendre d’un certain manque. Les chapitres sont courts et on aurait souhaité qu’elle prenne peut-être du recul sur certains points ou qu’elle en développe d’autres davantage. L’éco-féminisme est très rapidement exposé, les poils des autres cultures se résument à des témoignages individuels et laissent beaucoup de question en suspens, les références à l’hygiène et la santé ne questionnent pas ces notions, elle ne parle jamais vraiment des odeurs diffusés par nos poils et est aussi très schématique sur le male-gaze (qui peut aussi être l’œuvre de femmes) et le female gaze (et quelles nouvelles représentations en sortent). Les poils masculins et les injonctions qui vont avec, même si beaucoup moins prégnantes et douloureuses que pour les femmes, ne l’intéressent juste pas. « Nos poils » auraient peut-être gagné à s’écrire sur un temps encore plus long, en plusieurs tomes, pour explorer plus en profondeur des thématiques importantes et des points de vue autres sur le sujet.

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