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    Nirvana: In Utero (20th anniversary edition)

    De nos jours, il y a deux vagues chez les rockeurs. Les jeunes qui idolâtrent les nouveaux talents et vont de l’avant. Et les « moins jeunes », qui sont restés bloqués sur les idoles de leurs vingt ans et qui réécoutent en boucle les mêmes disques qui font partie selon eux d’un patrimoine irremplaçable du rock. Au fond, au vu des nombreux groupes qui surfent aujourd’hui sur le revival des 60’s et 70’s, on est en droit de se demander si l’expression « c’était mieux avant » ne prendrait pas aujourd’hui tout son sens.

    Ainsi, depuis quelques années, les rééditions d’albums sont devenues coutume dans le monde musical. Le retour du vinyl y est bien entendu pour beaucoup, mais c’est aussi l’occasion pour les fans d’obtenir ainsi un témoignage unique d’une époque qui les a marqué et de replonger tête baissée dans leur adolescence tumultueuse. Ce petit plaisir, les labels l’ont compris et en ont donc profité. Les ventes de disques chutant continuellement d’année en année, il fallait bien trouver le moyen de relancer la machine. Outre cela, les rééditions permettent aussi de rendre plus attractif aux jeunes certains catalogues poussiéreux ou parfois méconnus.

    Comme cela se produit souvent pour marquer un anniversaire, je vous propose aujourd’hui de replonger vingt ans en arrière. Comme vous l’aurez sans doute remarqué, de nombreux albums de cette époque font l’objet de rééditon. Parmi celles-ci tous les albums des grands noms du grunge ou de la scène alternative comme Pearl jam, Mad Season, Smashing Pumpkins ou encore Nirvana. Et c’est bien de ce dernier dont il est question ici. Car en effet, c’est bien en 1993 que le trio de Seattle sorti In Utero, son ultime album studio, quelques mois avant que Kurt Cobain mette fin de façon tragique à sa vie ainsi qu’à celle du groupe.

    On le sait, suite au succès mondial de Nevermind et à la spectaculaire renommée du groupe, la pression qui repose sur le groupe est énorme. Pour enregistrer dans une ambiance sereine, il est évident que le mieux est de fuir les médias qui sont alors omniprésents. Nirvana décide donc de se retirer dans le Minnesota et de louer un studio sous le pseudonyme de Simon Ritchie Bluegrass (référence au vrai nom de Sid Vicious) pour ne pas attirer l’attention des journalistes qui épiaient leurs faits et gestes. Trouvant le son de Nevermind trop lisse, ils font appel cette fois à Steve Albini pour ce disque. Celui-ci a la réputation de produire des disques au son abrasif qui magnétise les auditeurs. Le groupe va s’enfermer dans le studio et logera dans les sous-sols de celui-ci. Ils travailleront ainsi de façon intensive de midi à minuit en ne s’accordant que deux pauses pour le déjeuner et le dîner. Ils vont ainsi enregistrer du 13 au 26 février 1993 en prise de son directe pour presque tous les morceaux. Cobain ajoutera ensuite les solos de guitare et consacrera une journée à enregistrer son chant. Steve Albini va ensuite mixer le tout en cinq jours et proposer cette version au label.

    Mais les choses ne se présentent pas comme prévu. A l’écoute de ce disque, les responsables refusent catégoriquement de sortir le disque sous cette forme. Ils jugent le son vraiment mauvais et pensent que les fans ne sont pas prêt à un tel changement par rapport à Nevermind. Choqués par ce refus, les membres du groupes insistent, mais Kurt Cobain fini lui aussi par douter de ce disque et dira: « la première fois que je l’ai écouté à la maison, j’ai senti que quelque chose n’allait pas. Je n’avais même pas envie de l’écouter à nouveau la première semaine. Il ne me procurait aucune émotion » Après beaucoup de discutions, la décision est prise de retravailler certains morceaux avec Scott Litt qui avait bossé avec REM. Avec lui, ils vont réenregistrer Heart-Shaped Box et All Apologies au studio Bad Animals à Seattle. Steve Albini sera fou de rage et refusera dans un premier temps de céder les bandes déjà enregistrées avant de céder. Il restera assez critique sur les nouvelles version en disant qu’elles n’avaient pas le même son et ne sonnaient pas aussi bien que celles faites auparavant.

    Musicalement, In Utero met en avant une réelle maturité du groupe. Les compositions sont plus techniques et la prise en direct rend celles-ci plus authentiques. Cobain fera quelques expérimentations avec des effets comme la Rotovibe qui déforme l’oscillation du son.

    A sa sortie, In Utero connu bien des déboires. Certains supermarchés refusèrent notamment de vendre ce disque à cause de la présence de foetus sur le dos de la pochette et du titre Rape Me au nom douteux. Le disque sera réédité avec une autre pochette et Rape Me sera remplacé par… Waif Me! Bien que le succès ne soit pas celui de Nevermind, ce nouvel album commencera numéro un du Billboard dès la première semaine et s’écoulera tout de même à plus de 5 millions d’exemplaires aux USA. (Il sera donc 5 fois disque de platine. Ce qui étonnera fortement Cobain qui ne pensait pas que les ventes atteindraient le quart de celles de Nevermind.) In Utero sera d’ailleurs nominé dans la catégorie « Album alternatif de l’année » aux Grammy Awards de 1994. Une tournée mondiale suivra en vue de promotionnel l’album. Elle sera malheureusement entâchée par le suicide de Cobain en avril 1994.

    La présente réédition nous permet de redécouvrir ce disque sous un autre jour. Ainsi, Le premier disque reprend l’album sous sa forme originale telle que proposée à l’époque avec toutes les b-sides de l’époque. Parmis celle-ci, la fameuse chanson Sappy que Cobain n’eut de cesse de retravailler encore et encore depuis les années 80. Celle-ci sera finalement proposée sous sa forme définitive pour une compilation caritative. On retrouve aussi Marigold avec, pour la première fois, Dave Grohl au chant. (Qui eut pensé que ce timide deviendrait le leader des Foo Fighters par après?) Les fameuses versions originales de Heart-Shaped Box et All Apologies mixées par Steve Albini. Et enfin, la très connue I Hate Myself And I Want To Die. (Chanson que Cobain avait retiré car il jugeait avoir assez de titres «bruyants» et craignait que certains fans se suicident en entendant ce titre. Chose assez étrange quand on sait ce qui arrivera quelques mois plus tard…)

    Le deuxième disque est selon moi le plus pertinent car il reprend l’album totalement remixé par Steve Albini en 2013. Le moins que l’on puisse dire, c’est que le changement est radical. Le son est différent et surtout, les prises sont différentes! Ainsi, on ne retrouve pas les mêmes solos, ni les mêmes voix. Heart-Shaped Box commence par exemple avec deux voix et est joué avec un tempo plus rapide. Je vous laisse écouter par vous-même toutes les subtilités de ce disque. Certaines démos sont ensuite proposées. Enfin, cerise sur le gâteau, un DVD reprenant l’entièreté du concert Live ‘n Loud diffusé sur MTV accompagne le coffret deluxe. Le packaging a été amélioré et comprend de nombreuses photos du groupe ainsi que des témoignages des gens ayant collaboré à l’époque sur l’album ou la tournée. En résumé, cette réédition représente un très bon condensé de cet ultime témoignage de Nirvana pour ceux qui ne connaîtraient pas encore ce disque. Pour les vrais fans ayant déjà l’album, les singles, quelques bootleg et le coffret With The Lights Out, rien de bien neuf mis à part le remixage de l’album. Chacun y trouvera son compte bien que la réédition de Nevermind reste, pour moi, la meilleure de celles proposées actuellement.

    Christophe Pauly
    Christophe Pauly
    Journaliste et photographe du Suricate Magazine

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