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    Néron au Théâtre de la Vie : changer le monde ou le brûler

    Concept et mise en scène de Frédéric Dussenne. Avec Béatrice Wegnez, Adrien Drumel et Jean Fürst. Crédit photo de Christophe Sermet

    Jusqu’au 4 mai la salle du Théâtre de la Vie accueille la nouvelle création de L’acteur et l’écrit, un spectacle conçu et mis en scène par Frédéric Dussenne. Néron est une expérience scénique au langage pluriel et le résultat d’une recherche approfondie autour d’un personnage dont la nature maniaque semble être la conséquence d’une urgence profonde, d’une ambition aveugle qui se brise contre des impositions externes. Comme une âme d’artiste qui se confronte aux difficultés de la création.

    Au-delà de la figure mythique de l’empereur, Néron était un adolescent habité par des sentiments de rébellion et de contestation, pris entre l’amour incestueux de sa mère et un fort désir d’émancipation. A l’aide du texte de Racine, la pièce saisit les tourments de son âme en choisissant un angle assez particulier, celui de l’émancipation, du passage d’un rôle figé (qu’il soit social, politique on dans une relation personnelle) à l’autodéfinition de soi. Dans cette optique, le choix de faire dialoguer ce personnage avec Jim Morrison, apparaît ambitieux, certes, mais très intéressant. Dans The End, le frontman de The Doors évoque des fantasmes de parricide et d’inceste en chantant un morceau qui est un des symboles de toute une génération à la recherche d’une émancipation sociale et en quête de soi-même. Une génération qui voulait changer le monde.

    Dans une scène découpée géométriquement, qui rappelle presque un plan cartésien, les comédiens se déplacent de manière étudiée dans un espace-temps noir et blanc, qui parcourt de manière transversale les époques et les disciplines. On pourrait s’imaginer à l’époque de Néron, dans son palais, ou même par moments dans la chambre d’un adolescent qui rêve de changer le monde, ou de le détruire. C’est la mise en scène d’un même ressenti  profond, au fil des siècles, au travers des corps et des voix. Béatrice Wegnez, Adrien Drumel et Jean Fürst mettent toute leur présence au service du spectacle.

    Est-ce qu’un personnage controversé comme Néron, a encore quelque chose à nous dire ? Essayer de saisir l’universalité d’un message et de la restituer sur scène est toujours un pari très ambitieux mais aussi un des enjeux les plus authentiques de la scène théâtrale actuelle. C’est exactement ce que Néron fait : on plonge dans la tragédie de Racine et dans l’opéra de Monteverdi pour comprendre un ressenti dont on trouve des échos dans notre monde contemporain.

    Elisa De Angelis
    Elisa De Angelis
    Journaliste du Suricate Magazine

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