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    Nawell Madani : « être belge te donne une arme supplémentaire à Paris »

    Véritable phénomène de la scène humoristique française, Nawell Madani n’en demeure pas moins un pur produit de notre plat pays. Le titre de son spectacle, « C’est moi la plus belge ! », en est indiscutablement le meilleur exemple.

    Rencontre avec celle qui a remporté le Globe de Cristal du meilleur one-man-show en 2015.

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    Vous reprenez un spectacle que vous avez déjà joué en Belgique, y a-t-il eu des changements ?

    Bien sûr, j’ai commencé l’humour il n’y a pas si longtemps, donc je continue à apprendre au fur à mesure que je monte sur scène. Je m’inspire surtout des événements quotidiens, car les vannes se périment assez rapidement. Ce spectacle est aussi beaucoup plus long.

    Vous êtes belge et vous vivez à Paris, est-ce une obligation d’aller s’installer là-bas pour réussir ?

    Complètement ! On n’a pas du tout de tremplin ni de vitrine médiatique ici. On n’a même pas d’émission de divertissement où on pourrait exercer, même pas de radio où l’on pourrait diffuser nos sketches. J’en suis malheureuse parce que j’avais tout ici. Et la vie à Paris est totalement différente, c’est la jungle de la « métropole ». Il y a 260 spectacles qui se jouent chaque soir. Il faut trouver sa place, avoir des choses intéressantes à dire. Il faut être atypique. Pour un Belge, il faut y arriver deux fois plus vite que les autres parce qu’on n’a pas papa et maman sur place pour remplir le frigo. Du coup on se serre la ceinture, on s’accroche, on se dit « je sais pourquoi je suis là ». C’est très dur mais on est obligé de partir. Et je suis encore moins connue en Belgique qu’en France. On est obligé d’être reconnu ailleurs pour être connu chez soi. Ce qui est encore plus douloureux.

    Vous avez fait partie du Jamel Comedy Club. L’avez-vous quitté pour prendre votre indépendance ou est-ce parce que vous n’aimiez pas l’effet « troupe » ?

    C’était très compliqué. C’est une fausse troupe. Et en même temps, c’est une très bonne formation. Tous les soirs, il y a des gens importants parce que Jamel invite pas mal de personnalités : des programmateurs d’émissions qui viennent faire leur shopping, des humoristes qui ont 10 ou 15 ans de carrière. Moi j’avais trois mois de scène et je devais être aussi forte que les autres. À un moment donné, il faut se rendre à l’évidence qu’il faut faire son parcours, s’écorcher les genoux, mais à son rythme. Parce que j’étais une femme, la seule, il fallait que le discours soit percutant, pas gnangnan et pas trop axé sur des « trucs » de femmes ; je devais être aussi forte que les autres, si pas deux fois plus. Et à un moment donné, tu te dis : je vais prendre mon temps, je vais écrire mon histoire, je vais aller à mon rythme et surtout, je vais faire ce que j’aime et non plus être téléguidée parce qu’il faut faire différemment des autres, parce que je suis une femme, et qu’il faut avoir un discours en cohérence avec ce que les autres veulent.

    On dit de vous que vous êtes la « Beyoncé » de la vanne parce que vous jouez beaucoup avec le côté glamour et que vous dégagez une féminité assumée. Pour vous, est-ce une évidence d’aborder le sujet de la femme indépendante ?

    Je ne joue pas du physique, je suis une femme. J’ai toujours été coquette. Je suis juste la personne que j’ai toujours été. J’assume ma féminité : j’aime être agréable à regarder, je fais attention à ce que je porte et je ne cherche pas à me grimer pour monter sur scène. C’était dur au début, car on t’attend au tournant. Les gens disent : « on va voir si elle est vraiment drôle et si elle ne va pas tout miser sur son physique». Je commence donc mon spectacle par de l’auto-dérision pour casser les idées reçues et puis je rentre dans le vif du sujet. Il y a toute une génération qui était orpheline, qui n’avait pas vraiment d’humoristes à qui s’identifier. Les humoristes françaises ne me parlaient pas. C’était pas la même vie, le même son, les mêmes fringues. Jamel (Debbouze) et Gad (Elmaleh) m’ont touchée parce qu’ils avaient ce truc-là qui me ressemblait. Et je me suis dit que plus je m’assumerais, plus je trouverais un public. Et aujourd’hui, quand je me balade dans ma salle, je vois des filles qui me ressemblent : elles portent des talons de 12cm, elles mettent des ballerines qui puent dans leur sac qu’elles enfilent dès qu’elles ont mal aux pieds, elle écoute ma musique, elle sont indépendantes et en même temps fleur-bleue, elle veulent un mec fort qui en même temps leur envoie des textos enflammés. C’est donc être dans un paradoxe total et j’assume cela.

    Vous faites un show presque à l’américaine. Qu’est-ce qui vous a influencé ?

    Je regardais beaucoup MTV, une chaîne anglo-saxonne, et j’ai été bercée par les clips de Janet Jackson. J’ai aussi beaucoup côtoyé la scène hip hop où je dansais, que ce soit dans les soirées ou pour les clips. La force qu’on a en Belgique, peut-être par frustration, c’est que l’on crée pas mal de choses et toujours dans des domaines différents. Un artiste belge est polyvalent. Il est obligé d’être multi-casquettes, sinon il ne sait pas en vivre. Mais ça te rend plus fort. Parce que tu touches à tout. Et quand tu arrives dans une ville comme Paris, où tout est cloisonné, tu possèdes une arme supplémentaire.

    Vous n’avez pas peur d’être cataloguée ?

    Ça ne me dérange pas d’être cataloguée. L’avantage avec ça, c’est que c’est plus facile de surprendre en prenant le spectateur à contre-pied. C’est comme ça qu’on élargi son public. Le problème des étiquettes, c’est si tu acceptes de rester dedans. Après, c’est à toi de réussir quand tu cherches à t’en détacher. Il faut bien se préparer et surprendre le public qui n’est pas encore acquis.

    À travers vos sketches et la BAB (Brigade Anti-Bâtard), cherchez-vous à faire évoluer les mentalités ?

    Dans un premier temps, tu cherches juste à faire rire. Après, le fait d’être une femme, maghrébine, de confession musulmane, va faire que l’on va toujours chercher à intellectualiser ton propos et y trouver une forme de féminisme. Mais c’est juste quelque chose qui est dans mon ADN. Mon franc parlé dû à mon caractère, mon phrasé particulier de garçon manqué, cela associé à mes origines et ma féminité assumée – et le fait que mon métier me permette de toucher un large public – fait certainement bouger les choses.

    Où vous voyez-vous dans 10 ans ?

    Où je me vois dans 10 ans ? J’espère juste que je serai en vie, ce sera déjà bien ! Après, pour le reste, je vis au jour le jour. Je suis déjà assez surprise des portes qui s’ouvrent au quotidien. Je viens de finir mon premier film qui sort le 26 avril, je suis en train d’en écrire un deuxième, on me propose un livre, une comédie musicale… Je ne sais pas ce que je ferai dans 10 ans, j’espère juste être en vie et en bonne santé.

    Nawell Madani présentera « C’est moi la plus belge ! » le 19 janvier 2017 au Spiroudôme de Charleroi, le 20 janvier au Forum de Liège, le 10 février à l’Espace Magnum de Colfontaine et le 6 mai au Cirque Royal à Bruxelles (réservez vos places en cliquant ici).

    Bruno Pons
    Bruno Pons
    Journaliste du Suricate Magazine

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