N : the madness of reason
de Peter Krüger
Documentaire
Sorti le 8 janvier 2016
N : the madness of reason raconte l’histoire d’un homme au destin inachevé. Un homme dont la vie s’est arrêtée à la lettre N. A travers l’histoire du Français Raymond Borremans qui, dans les années 50, entama la rédaction de la première encyclopédie du continent africain, sans toutefois parvenir à la terminer avant sa mort ; Peter Krugger nous livre une interprétation philosophique sur des réflexions sensibles : l’après la mort, le sens de la vie ou encore la destinée et la matérialité, dans une production qui va à l’encontre de tout ce à quoi ces mots peuvent faire évoquer cinématographiquement.
Si le projet a nécessité huit années de travail, il a aussi eu recourt à trois pointures dans leurs domaines respectifs : l’écrivain nigérien Ben Okri (Prix booker 1991) pour les textes, Walter Hus pour la musique (accompagné pour l’interprète malienne Fatoumata Diawara) et bien sûr Peter Krugger pour les images. Un seul synopsis mais trois manières individuelles et indépendantes de le traiter jusqu’à la confrontation finale du montage – remarquable – réalisée par Nico Lueunen. Le texte, les images et la musique nous entrainent dans un rythme hypnotique à la cadence crescendo jusqu’à la transe exorciste, peut-être même jusqu’à la paix.
L’esprit de Raymond Borremans, guidé par une femme dont nous « n’avons pas besoin de connaitre le nom », confronte la rationalité occidentale et la spiritualité africaine, entre rêve et réalité. Les brides de dialogues et les sons diégétiques nous ramènent sans cesse à la réalité que la voix off tente doucement de nous faire oublier, tandis que la musique nous donne un rapport à la durée et concrétise la certitude d’une fin. Mais les images, elles, nous poussent dans une autre direction, rythmée par la folie d’un homme, ou de ce qu’il en reste.
En résumé, N : the madness of reason est un petit chef d’oeuvre. Il y a des films dont on sait qu’ils marqueront les esprits de tout ceux qui auront la chance de le visionner et N : The madness of reason en fait clairement partie. Déjà lauréat des Ensor 2015 et sélectionné au Festival International de Berlin en 2014, le film répond tout seul à ceux qui le nomment d’inclassable : à trop vouloir nommer les choses, on finit par les perdre. On espère que la production ne sera pas victime de ses origines et réussira à traverser les frontières.