Morbius
de Daniel Espinosa
Action , Fantastique
Avec Jared Leto , Matt Smith , Adria Arjona
Sorti le 30 mars 2022
Après deux tentatives à la qualité relative avec Venom et sa suite, Sony Pictures continue d’exploiter l’univers étendu de Spiderman avec Morbius, l’origin story d’un anti-héros aux capacités vampiriques. Troisième essai, troisième échec.
Avant de rentrer dans le lard de Morbius, un petit rappel s’impose pour situer la place du film dans tout ce foutoir. A l’instar de la trilogie Spider-Man de Jon Watts avec Tom Holland, ainsi que des deux épisodes de Venom, les droits de Morbius appartiennent à Sony Pictures qui développe son propre univers étendu autour de l’homme-araignée. Cependant, Sony et Marvel Studios (Disney) ont plusieurs fois négocié le prêt de ce Spider-Man pour qu’il puisse rejoindre le MCU (Marvel Cinematic Universe, appartenant donc à Disney) temporairement. Ce qui n’est officiellement pas le cas des films centrés autour de Venom et Morbius qui ne sont pas censés y apparaître. SPOILER Mais ça, c’était avant l’apparition de Venom dans une scène post-générique de Spider-Man : No Way Home, le mettant en scène lors d’un événement arrivant dans le MCU et l’y introduisant donc. Vous êtes perdu ? Pas d’inquiétude, Sony semble l’être tout autant. FIN DU SPOILER
Ce dernier opus du Sony’s Spider-Man Universe met en scène le professeur Michael Morbius (Jared Leto), génie de la biochimie atteint d’hémophilie. A la suite de ses recherches, il parvient à trouver un antidote créé à partir de salive de chauve-souris. Mais évidemment, tout ne se passe pas comme prévu le jour où Morbius décide de se l’injecter dans les veines. Transformé en une sorte de vampire, il devra apprendre à satisfaire sa soif insatiable de sang sans sacrifier ses semblables.
Là où Morbius aurait pu jouer plus ou moins habilement avec ce dilemme moral et impliquer un tant soit peu son public, il l’expédie au profit d’une origin story tout ce qu’il y a de plus banale. Réalisé par Daniel Espinosa, yes-man capable du pire (Child 44) comme du très moyen finalement (Life – Origine Inconnue, copie d’Alien 30 ans plus tard, le génie en moins), Morbius est une preuve supplémentaire du manque d’ambition de Sony Pictures Entertainment vis-à-vis de l’univers étendu de son super-héros phare.
Même l’interprétation de Jared Leto, trop sage, n’offre pas au public la dose de surjeu à laquelle l’acteur a pu nous habituer récemment. On se rattrapera sur la prestation toute en cabotinage de Matt Smith (Doctor Who) en antagoniste ringard qui, au détour de quelques moments dont une scène de danse involontairement hilarante, parvient à faire sourire. Sans oublier une love story sortie de nulle part entre Morbius et sa collègue jouée par Adria Arjona (Six Underground) et l’enquête parallèle menée par un Tyrese Gibson (Fast & Furious) à la recherche de son jeu d’acteur. Avec son scénario invoquant au bas mot une incohérence toutes les cinq minutes et une panoplie de seconds rôles à l’inutilité confondante gonflant un récit qui n’a déjà pas grand chose à raconter, cette nouvelle entrée désespère.
Et ça n’est malheureusement pas non plus sur le plan formel que Espinosa se rattrape. Plombé par ses décors anecdotiques (couloir de métro, égouts, coque d’un bateau), ses CGI souvent ratés et une bande originale peu inspirée, Morbius ne brille d’aucune idée de mise en scène. En jouant avec les codes de l’horreur et le folklore vampirique, il aurait pu insuffler suffisamment d’âme à son film pour au moins le transformer en plaisir coupable. Il n’en est malheureusement rien.
Accabler Morbius est bien sûr aussi facile que de tirer sur une ambulance, mais lui trouver des qualités n’est pas chose aisée tant il semble ne jamais vouloir respecter son public. On pourra, à la rigueur, reconnaître que la formule est si rodée qu’elle parvient à ne pas (trop) ennuyer mais difficile de passer au dessus d’une forme et d’un fond aussi fades, symptomatiques d’une production qui semble avoir été affectée par une absence totale de vision et de volonté.