Titre : Mon cœur est une tronçonneuse
Auteur : Stephen Graham Jones
Editions : Rivages noir
Date de parution : 4 octobre 2023
Genre : Thriller, Horreur
L’année scolaire touche bientôt à sa fin à Proofrock, petite bourgade dans l’Idaho. Jade, ado rebelle de 17 ans, termine tant bien que mal ses études, alors qu’arrive une nouvelle élève, la splendide Letha. Aux antipodes de Jade, Amérindienne mal dans sa peau qui se teint la tignasse au cirage, Letha est une fille cool et populaire. Elle fait également partie de l’une des familles les plus fortunées des environs qui viennent de prendre possession de Terra Nova, un grand îlot de Proofrock, sur lequel elles ont construit leurs logements ultra luxueux flambant neuf.
Le clash de classes sociales est une chose, mais l’intrigue commence surtout avec la disparition très mystérieuse de deux touristes dans les eaux d’Indian Lake, le lac que certains pensent hanté, qui entoure Terra Nova. Qui ou quoi les aurait zigouillés ?
Ce qui fait le sel de l’histoire est la passion exacerbée de Jade pour un genre très particulier de films d’horreur, le slasher. Vous savez, ces films où un tueur masqué trucide un à un les membres d’un groupe qui gravite autour d’une personne, initialement visée : « la fille finale ». Autrement dit, celle qui survit, contrairement à ses proches qui connaîtront un sort funeste en regardant tripes et boyaux s’échapper de leur propre corps. Ainsi, Jade, dont l’imagination part au quart de tour, tente de faire comprendre à son entourage, que ces disparitions sont l’œuvre d’un slasher et qu’il n’en est qu’au début. Personne ne la croit, jusqu’à ce que l’un des gros richards de Terra Nova finisse en charpie…
Chapeau à Stephen Graham Jones pour nous offrir une quantité de références aux films d’horreur et de disserter sur la chose ! On ira de Scream à Vendredi 13 en passant par Halloween pour ne citer que les plus connus (et qui parleront même aux non initiés). En effet, Jade rédige régulièrement, à destination de son prof (et du lecteur), un cours sur le slasher. Ca en dit long sur sa connaissance encyclopédique en la matière et il en ressort un récit passionnant, pour ceux que ça intéresse bien sûr. Les autres passeront leur chemin, parce qu’il est vrai que se farcir 475 pages sur le sujet, n’est pas donné à tout le monde. Mais quel fabuleux hommage aux films du genre !
Et malgré un fort penchant pour le gore et l’hémoglobine, on notera que l’auteur a tout de même un petit cœur de beurre. La preuve en est dans une phrase figurant dans les remerciements envers sa chère et tendre : « Mon cœur est une tronçonneuse, oui, mais tu es celle qui le fait démarrer. » C’est pas choupinou ça ? Un point en plus pour le monsieur qui sait remarquablement jongler avec les émotions.
De plus, Stephen Graham Jones a magnifiquement bien creusé son personnage principal, une anti-héroïne solitaire, suicidaire, vivant avec un père alcoolique et violent, rejetée par les jeunes -les vieux aussi d’ailleurs, sans doute à cause de son look peu avenant. Cependant, on n’y retrouve aucun pathos sur les méfaits de la misère sociale. Au contraire, l’auteur brosse le portrait d’une adolescente qui, malgré les apparences, a le cœur sur la main -au sens figuré, rassurez-vous. Et bien qu’elle n’ait pas eu les bonnes cartes en main pour débuter la vie, elle se débrouille et se construit du mieux qu’elle peut dans un monde pas évident. Une chouette fille en somme, même si elle a des cheveux un peu dégueux…