Moi Monde, la beauté et la difficulté d’être humain

Couverture du livre pour enfants « Moi Monde » de Yisha Liu (Bel et Bien, 2023)

Titre : Moi monde
Texte et dessin : Yisha Liu
Éditeur : Bel et bien
Date de parution : 28 novembre 2023
Genre : Jeunesse, Livre illustré

Moi monde est un album qui s’adresse aux enfants à partir de 7 ans. Remarquable par ses illustrations d’inspiration surréaliste et son texte concis et poétique, il a l’originalité de soulever des questionnements complexes. Parmi les thèmes évoqués : la quête de sens, la difficulté de faire des choix, ou encore la pression sociale qui impose de se conformer à certaines « règles du jeu ». La violence latente qui émane des illustrations risque de mettre mal à l’aise certains lecteurs, enfants comme adultes. Mais en osant aborder la noirceur de la vie intérieure, Moi monde offre aux enfants un moyen d’affronter leurs angoisses pour mieux les dépasser.

Un univers mental très riche…

Dans Moi monde, la jeune autrice-dessinatrice Yisha Liu semble s’inspirer de sa propre enfance. Elle représente une petite fille aux cheveux longs qui évoque son parcours, ses doutes, et sa marche progressive vers l’autonomie.

Tout le monde fait ce qu’il faut.
Au bon moment.

Moi…
Je me sens…
à contre-temps…
tout le temps…

Dans la même veine que les artistes surréalistes du XXe siècle, elle s’inspire de l’univers des rêves et de l’inconscient pour représenter les sentiments qu’elle ressent. Elle réutilise ainsi de nombreux symboles chers à Max Ernst et Salvador Dalí comme les clés, les crânes, les miroirs ou encore les paires d’yeux. Les cheveux interminables de la petite fille, comme des tentacules, ainsi que le symbole du papillon, font partie des motifs récurrents et se prêtent à différentes interprétations.

… avec son côté sombre

Le résultat, très esthétique, est sublimé par un contraste entre les traits de crayon noir et quelques détails représentés en couleur vive (principalement le rouge). Il faut prendre son temps pour s’imprégner de chaque dessin, laisser résonner les mots du texte, sans chercher un récit linéaire. Il faut aussi accepter les sensations inconfortables générées par certaines représentations, telle que cette double page figurant la petite fille avec des yeux bandés et des larmes qui coulent le long des joues, ou encore une forme ressemblant à un crâne qui se brise en morceaux. Moi Monde n’est pas pour autant un livre triste, car la fille-papillon finit par prendre son envol.

Une lecture accompagnée

Pour aider les adultes à accompagner les enfants dans la lecture de cet album aux thèmes assez atypiques en littérature jeunesse, l’éditeur a développé un guide avec des ressources pédagogiques, qui sera prochainement disponible sur le site beletbien.eu. Moi Monde fait en effet partie d’une collection, intitulée « Sages comme des images », qui a pour vocation d’initier les enfants à la philosophie en les encourageant à s’interroger sur le monde pour avoir « une meilleure compréhension du réel et de sa complexité ». Cette approche audacieuse est susceptible de plaire à tous ceux qui sont las des représentations aseptisées de l’enfance et qui veulent sensibiliser les jeunes lecteurs au pouvoir cathartique de l’art et de la littérature.

A propos Soraya Belghazi 410 Articles
Journaliste