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    Mitra, l’histoire d’une psychanalyste iranienne

    Mitra
    de Jorge León
    Documentaire

    Après la représentation scénique Mitra de Jorge León au Kunstenfestivaldesarts, nous étions très curieux de découvrir sa version documentaire. Non sans aprioris, puisque la proposition théâtrale nous avait laissé un goût d’inachevé, et que malgré son potentiel, le sujet semblait avoir été traité maladroitement.

    Le documentaire retrace l’histoire d’une psychanalyste iranienne, Mitra Kadivar, internée contre son gré dans l’hôpital psychiatrique de Téhéran courant 2012. Elle y débute une correspondance avec le psychanalyste français Jacques-Alain Miller où elle décrit sa situation et en appelle à son soutien. Ces lettres seront le fil conducteur du film et ces mots rythmeront la narration.

    Dès les premières minutes, nous sommes plongés dans une atmosphère particulière. Si les images de patients nous avaient paru mal utilisées sur scène, ici le réalisateur réussit à dresser de très beaux portraits de ces femmes et de ces hommes atteints de maladies mentales (schizophrénie, bipolarité, dépression). Ce sont des visages à découvert, crus, sans filtre qui nous livrent un regard piquant sur le monde. Leurs consciences exacerbées de la réalité et de leurs conditions mêmes est étonnante. On témoigne alors douloureusement de notre échec à soigner ces maladies. Assommés trop souvent sous un nombre hallucinant de médicaments, davantage d’écoute et d’estime apparait nécessaire et urgent.

    Les images de la démolition d’un ancien bâtiment psychiatrique font écho au chaos mental. L’inconscient s’agrandit, et dévoile une intimité troublante. Le visage mystique de Mitra flotte tout le long, elle devient notre guide dans cette exploration. La voix off de Claron Mc Fadden porte ses mots avec force et fragilité. Elle réussit à construire cette solitude évoquée, toujours sur un fil, qui manque à chaque instant de se briser. Elle décortique le verbe, l’éventre jusqu’à son explosion. Le son crisse, se tord et prend alors possession de la parole.

    On navigue à travers les murs de ce huis-clos dans une ambiance sonore oppressante. Le bruit réveille ce qui dérange et fait vibrer la solitude. Dans un travail d’électroniques et de sonorisation bluffant, le son va nous chercher en dehors des sentiers battus, résonnant dans notre corps et dans nos sensations. On suit l’évolution des chœurs, de la soliste et des musiciens dans leur travail de création. Assistant à leurs compréhensions de l’histoire de Mitra, on peut voir comment ils se la réapproprient. Grâce à cette équipe d’artistes et d’ingénieurs du son, différentes textures, dimensions spatiales et rythmiques se créent tout au long du film. La dramaturgie est aussi accompagnée d’un regard très précis sur l’image. Le motif, l’objet, l’oiseau sont pleins de détails semés qui peignent un paysage symbolique.

    Alors que le peu d’informations concrètes sur l’internement de Mitra nous avait laissé impuissant dans notre compréhension de l’enjeu politique lors de la pièce théâtrale, ici on accepte que ce ne soit finalement pas le lieu des recherches du réalisateur. On se laisse porter par les images qui résonnent ailleurs, dans une autre sensibilité, où l’explication historique n’a pas obligatoirement sa place.

    Mitra dévoile les gouffres de la solitude que créent l’internement et la folie. Avec un regard pudique, Jorge León nous livre un documentaire intelligent et sensible.

    Luna Luz Deshayes
    Luna Luz Deshayes
    Journaliste du Suricate Magazine

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