Du 11 au 13 mai se déroulait la 27ème édition du festival de Jazz à Liège. C’était également la seconde année que celui-ci apparaissait sous sa nouvelle mouture; à savoir que les concerts étaient décentralisés dans six lieux différents.
L’obligation de faire des choix s’imposait donc, au risque de se tromper ou d’être déçus car certaines programmations majeures pouvaient rivaliser en fonction du timing.
Nous nous y sommes rendus pour vous les deux premières soirées. Le jeudi 11, nous nous sommes donc partagés entre le Théâtre et la Cité Miroir.
Le premier concert était celui de Kurt Rosenwinkel avec son projet Bandit 65.
Il était accompagné d’un batteur et d’un second guitariste, Tim Motzer, à qui, finalement, il apporta avant tout un rôle de soutien; chacun usant d’un jeu de pédales pour créer des atmosphères aériennes et, au final, produire une musique psychédélique.
Le batteur créait les liens entre les deux six cordes tandis que Kurt Rosenwinkel réalisait des nappes sonores à la guitare tout en amplifiant sa voix pour donner une illusion de choeurs.
Le second concert réunissait la pianiste américaine Geri Allen et le trompettiste italien Enrico Rava.
Le choix de la salle à la Cité Miroir était idéal car le duo proposa une rencontre très intimiste avec des reprises étonnantes de standards et certaines compositions personnelles.
Enrico Rava ne joua en fait que du bugle et sans partition; improvisant sur les thèmes introduits et soutenus par la pianiste qui, elle aussi, s’en allait de ses petits solos. On put entendre de très beaux échanges et constater une réelle complicité.
Retour ensuite au Théâtre pour assister au dernier concert de cette journée, celui de Dave Douglas en quintet.
Le trompettiste présenta son dernier album Dark Territory qui relève du hard-bop. Il s’exprima de manière très sobre (même si son écriture est complexe) et souvent en communion avec son saxophoniste ténor Jon Irabagon.
Il laissa aussi beaucoup d’espace aux trois membres de la rythmique avec , à la batterie, le remarquable Rudy Royston qui dynamisait, à lui seul, le groupe.
Si cette première soirée nous parut globalement en demi-teinte, la seconde fut tout bonnement remarquable.
En effet, notre choix s’est porté sur le double concert au Forum de China Moses et de sa maman (Eh oui!) Dee Dee Bridgewater.
La fille China ouvrait donc la soirée avec ses quatre brillants musiciens.
Parlant parfaitement français, très communicative, souriante et douée, la jeune femme a démontré que les gênes étaient bien là.
China Moses nous présenta son album flambant neuf Nightintales qui ne contient que des compositions personnelles. Celles-ci sont un mélange de jazz traditionnel ou dansant, tantôt acoustique, tantôt électrique.
Cette brillante chanteuse démontra qu’elle savait aussi jongler avec sa voix, avoir une prestance scénique et créer une relation avec son auditoire qu’elle impliqua en l’incitant à chanter ou danser avec elle.
Son excellent concert était de bon augure pour annoncer celui de sa mère, celui d’une Diva, celui de Madame Dee Dee Bridgewater.
Dès son entrée sur le plancher des lieux,celle-ci annonçait d’emblée que son concert ne serait pas « jazz » et c’est ainsi que, pour l’heure, le Forum s’est transformé en « Temple de la soul et du blues ».
Née à Memphis il y a 67 ans, elle a voulu rendre hommage à la musique de sa ville et tous les musiciens composant son groupe sont issus de l’endroit. Son orchestre nommé d’ailleurs « Memphis Symphony » était impressionnant et spectaculaire, à l’image de son concert.
Elle était entourée de deux souffleurs (sax ténor et trompette), deux fabuleuses choristes, un batteur, un bassiste électrique, un guitariste dont les solos furent époustouflants et un organiste jouant aussi bien de l’Hammond que du Rhodes.
Dee Dee Bridgewater ne chanta que des reprises mais de quelle manière!Pour chacun des morceaux, elle racontait une histoire et présentait son auteur. C’est ainsi qu’elle interpréta,entre autres, des chansons d’Al Green, de Barbara Mason, des Staple Singers ou des Four Tops.
Nous aurons également droit à la chanson I can’t stand the rain (Tina Turner), Don’t be cruel (Elvis Presley) mais aussi à un duo improvisé avec sa fille China, clairement émotionnée, sur The Thrill is gone de BB King.
Dee Dee Bridgewater a véritablement mis le feu à la salle. Elle, qui au départ était plâtrée et assisse pour chanter, s’est redressée pour se trémousser, venir vers le public ou encore aller à la rencontre de son saxophoniste pour de superbes échanges.
Sa voix unique dont elle fait ce qu’elle veut et les thèmes joués invitèrent les gens à danser. Sa personnalité, son dialogue avec les spectateurs mais aussi avec ses musiciens, son sens du spectacle, ses talents de comédiennes et son sourire permanent sont également à épingler.
C’est avec un clin d’oeil à Prince sur Purple Rain et accompagnée d’un superbe dernier solo de son guitariste qu’elle clôturera son incroyable performance devant un public plus que conquis.
Le samedi soir s’annonçait prometteur avec, une nouvelle fois, une très belle programmation à sélectionner. Indépendamment de celle-ci, il faut souligner aussi les qualités acoustiques des divers endroits, leurs atmosphères et l’esprit de convivialité du festival.
A l’année prochaine!