À l’époque des selfies, la pratique de l’autoportrait nous rappelle l’importance de l’image de soi et de la représentation à l’instar des 23 exposants de Mirror of Self. L’autoportrait est avant tout une histoire que le photographe veut raconter, c’est aussi un retour à la nature ou encore une exhibition des souffrances. À travers les autres, cette exposition nous confronte à notre propre vécu, on ne peut s’empêcher de s’identifier à certaines images qui nous rattrapent par l’émotion ou l’autodérision.
Après avoir présenté Shadow of Trees en 2021 pour son exposition thématique, le Hangar se focalise cette fois sur l’autoportrait sous toutes ses formes et dérives.
Vous y retrouvez 23 artistes au total, 17 présélectionnés et 6 lauréats d’un appel à projet.
L’événement rejoint la scène européenne de la photographie. Le PhotoBrussels Festival vous accueil dans plus de 30 lieux avec 35 expositions photographiques.
Une vision sur le monde
Le Hangar nous propose une sélection aussi étendue que la planète terre. On retrouve Elina Brotherus, partie en Corse pour suivre les pas d’un roman inachevé de W. G. Sebald. À travers ses clichés, elle évoque les paysages visités mais aussi la mort, un retour inévitable à la terre. Omar Victor Diop appelle à la conscience écologique en mettant notamment en scène des espèces animales menacées, le tout dialoguant avec les couleurs vives des tissus africains. Julia Gat nous emmène au sein de son foyer, elle nous expose sa vie d’ainée de deux frères et deux soeurs, un travail sur le long terme qui se transforme en archive et témoignage temporel. Dans la photo qui suit, vous retrouvez Mari Katayama. L’artiste, basée au Japon, explore la beauté du corps au sein de décors méticuleusement pensés, les résultats mis en cadres ornés sont percutants. C. Rose Smith, de Boston, une des lauréats et la gagnante de l’appel à projets, interroge le rapport entre la chemise blanche et les normes sociétales, une vraie critique de la mode face au capitalisme. Nous ne citons ici que quelques artistes, mais les nationalités, riches d’Histoire, sont nombreuses à découvrir.
L’introspection sous toutes ses formes
De la photographie, oui, mais pas seulement; vidéo, projection, collage ou encore toile… il y a bien des manières de pratiquer l’autoportrait. Mirror of Self nous propose une sélection digne de ce que l’autoportrait peut exploiter. Vous évoluez dans l’exposition en vous confrontant à des images, des sons, diverses techniques qui visent toutes à parcourir les possibles de l’introspection. Impossible de s’ennuyer face aux oeuvres gorgées d’émotions. Vous retrouvez par exemple la performance de Laura Hospes au rez-de-chaussée. Son corps entièrement couvert de plâtre opère une lente renaissance nécessaire. Au premier étage, on retrouve les toiles de Karolina Wojtas qui documentent, non sans humour, une guerre fraternelle débutée à ses 13 ans. N’oubliez pas de vous glisser derrière les murs, des vidéos vous y attendent avec des visions cinématographiques ou psychédéliques du corps.
Des personnalités incroyables
Derrière chaque projet, un parcours de vie fort pose toute la puissance des autoportraits. Dans cette exposition, on retrouve des artistes qui expriment une partie de leur vie, de la vie des autres, ou encore des questionnements qui ont touchés à jamais l’esprit. 8 des artistes ont moins de 30 ans; la diversité des artistes se trouve aussi dans la mise en avant de générations différentes. Nous avons rencontré Louka Perderizet, un des 6 lauréats de l’appel à projets. Il présente « Garçon assigné fille à la naissance », une exhibition des souffrances et des joies d’une transition qui se découvre de gauche à droite, une exposition qui se lit tel un livre ouvert. Une vingtaine de photographies, la plupart en noir et blanc, certaines en couleurs, au centre, révélant l’atmosphère d’une chambre d’hôpital partagée avec ses proches. Plusieurs portraits de sa famille sont accompagnés de témoignages, des lettres manuscrites dans le traditionnel format A4. Le tout est organisé sur un unique mur blanc, excepté le témoignage de son père inscrit blanc sur noir sur le mur opposé, un contraste nécessaire.
Interview avec l’artiste Louka Perderizet :
Qu-est-ce que ce projet t’a apporté, et t’apporte encore aujourd’hui ?
Ce projet m’a conforté dans l’idée que j’étais complètement légitime d’être qui je suis. Ça montre
aussi aux gens qu’il est possible que les parents de personne transgenre acceptent ça, ce n’est pas un
fardeau comme on peut l’entendre dans pleins d’émissions. C’est important de montrer du positif
dans une transition. Ça m’a familiarisé avec le fait d’être transgenre. Aujourd’hui ma parole est
portée. Alors que, généralement, on écoute les personnes cisgenres (personne dont le sexe assigné à
la naissance correspond au genre auquel il s’identifie) parler des personnes transgenres sans vivre
les choses.
Est-ce que ça a aussi apporté quelque chose à tes proches, qui apparaissent dans tes clichés et
dans les témoignages ?
Ça a permis à mes proches de comprendre que c’était un vrai mal-être, pas des caprices, les
traitements ou opérations, c’était un besoin pour vivre. Ça nous a fait grandir d’une certaine
manière.
En tant que photographe accompli, as-tu pour ambition de porter tes projets à une visibilité
mondiale ?
Oui parce que si je peux toucher une personne dans le monde, et bien je veux le faire. À la base, je
visais un public queer (personnes engagées dans la communauté LGBTQ+), des gens déjà éduqués
sur ce sujet, mais plus maintenant. Si je me suis lancé dans cet appel à projets c’était pour le public
totalement différent, je n’ai pas envie de rester local, je veux porter ma parole au maximum.
Du coup, 300 participants, 6 lauréats, un mot là-dessus ?
Je suis choqué, choqué en bien, je n’y croyais pas. Ce projet a été fait en 2018 pour mon école (le
75 à Bruxelles). Aujourd’hui, ma photo est complètement différente, mais toujours dans
l’autoportrait. Je suis content parce que j’ai réussi à me faire une place dans ce milieu institutionnel,
ça m’a pris du temps, 1 an à faire une centaine de pellicules pour sortir 20 photos.
As-tu conscience de l’impact de tes autoportraits, étant donné le manque de visibilité face à la
transition de genre ?
Non, du tout, c’est pour ça que je serais content si je touche une seule personne dans le monde. Par
contre, même si je ne me permettrai jamais de parler au nom de toutes les personnes transgenres,
j’ai conscience qu’il y a un réel manque de visibilité.
Infos pratiques
- Où ? Hangar, 18 Place du Châtelain, 1050 Bruxelles.
- Quand? Du 26 janvier au 25 mars et du mardi au samedi de 12h à 18h.
- Combien? 7 euro prix plein, différents tarifs réduits possibles