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    Millenium 2019 : « Dark Eden », Et l’homme créa l’enfer

    Dark Eden
    de Jasmin Herold et Michael Beamish
    Documentaire

    Bienvenue à Fort McMurray, là où des hommes et des femmes de tous les coins du monde sont prêts à vivre dans un lieu apocalyptique sous prétexte d’un salaire exceptionnel. Dark Eden porte un regard interrogateur sur une ruée vers l’or noir dans cette région extrême nord du Canada riche en gisements de sables bitumeux.

    La réalisatrice allemande, Jasmin Herold, est partie à Fort MacMurray, dans l’extrême nord du Canada pour essayer de comprendre ce qui pousse les gens du monde entier à aller travailler dans l’antre de l’industrie pétrolière du pays, troisième plus grande réserve de pétrole au monde. Ceux qui vivent ici sont là pour travailler dans les gisements, dans le but de gagner un maximum d’argent, au détriment de l’environnement et de leur santé.

    Ce documentaire fait froid dans le dos et nous fait découvrir un lieu à peine croyable, proche des films de science-fiction. Les paysages sont désertiques à perte de vue, le ciel est couleur cendre dû aux fumées des méga usines fonctionnant sans arrêt. La terre est éventrée par les machines, les sols épuisés et pollués par les produits toxiques. Ni le soleil, ni les arbres ne pénètrent dans ce territoire hostile.

    Dans l’attente d’un après Fort McMurray

    Comment des êtres humains arrivent-ils à vivre ici pour l’appât du gain comme unique objectif ? C’est ce qu’a essayé de comprendre la réalisatrice Jasmin Herold lors de sa venue à Fort McMurray. Elle y suit quelques personnes venues de l’étranger pour travailler dans ces usines, comme Markus et Olga qui ont quitté l’Allemagne pour gagner jusqu’à six fois plus que chez eux. Leur rêve, c’est la cabane au Canada, une maison dans la forêt, près d’un lac. En attendant, ils contribuent à la machine infernale : « les grosses sociétés pétrolières nous achètent, nous ne sommes que des numéros », explique Markus, qui accepte sans état d’âme les règles du jeu et en tire même une certaine satisfaction. Barnabas a fui la guerre au Sud Soudan, sa famille s’est réfugiée en Ouganda et lui est venu ici pour subvenir à ses besoins : « j’aime Fort McMurray car c’est ici que j’obtiens ce que je veux », affirme-t-il. Et puis il y a Robbie, un alien qui représente le lobby « I love oil sands » (J’aime les sables bitumeux), qui se bat contre la mauvaise réputation de ce type d’extraction, qu’il assure totalement inoffensive pour l’environnement et sans aucun rapport avec le réchauffement climatique.

    Des conséquences dramatiques

    Ils sont des milliers en quête d’eldorado dans cette région hostile, prêts à sacrifier plusieurs années de leur vie pour l’appât du gain. Bien que le travail à Fort McMurray rapporte gros, c’est avant tout un paradis gangréné. Les animaux sont contaminés par les sols pollués en arsenic et autres poisons mortels. Les chasseurs remarquent d’ailleurs qu’un élan sur dix est bourré de tumeurs cancéreuses. Les enfants aussi sont fortement concernés, avec de plus en plus de maladies et malformations. Le prêtre d’une paroisse explique que le sujet est peu abordé dans la communauté, la problématique sanitaire liée à ces activités est taboue ici. On apprendra par la suite que la réalisatrice est elle-même touchée intimement par le syndrome Fort McMurray car son compagnon, Michaël, qu’elle a rencontré là-bas lors de ses recherches, tombe malade et apprend qu’il est atteint d’un cancer.

    Un manque d’analyse

    Jasmin Herold dit dès le départ qu’elle ne comprend pas pourquoi les gens restent à Fort McMurray si longtemps, dans cet air irrespirable qui sent les produits chimiques. Elle prend d’ailleurs des risques en restant là-bas, où chaque jour empoisonne davantage tout organisme vivant. Elle ira même jusqu’à couvrir le grand incendie qui a ravagé la ville en 2016 et qui a forcé les habitants à fuir. Mais si les témoignages de Dark Eden sont intéressants, il manque des intervenants pour comprendre la complexité et l’absurdité de cette réalité. Ses recherches et ses rapports avec la population n’ont pas dû être faciles mais on regrette de ne pas entendre les grands patrons des compagnies pétrolières, les avis des médecins, des psychologues et des scientifiques par rapport à cette apocalypse environnementale et sanitaire.

    Le 24 mars à 16h00 au Cinéma Vendôme. La projection sera suivie d’un débat.

    Le 28 mars à 20h45 au Cinéma Vendôme, en présence des réalisateurs.

    Déborah Neusy
    Déborah Neusy
    Journaliste du Suricate Magazine

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