De Thierry Debroux, d’après l’oeuvre de Goethe, mise en scène de Axel De Booseré et Maggy Jacot, avec Guy Pion, Béatrix Ferauge, Anouchka Vingtier, Mireille Bailly, Fabian Finkels, Birsen Gulsu, Chloé Winkel, Colline Libon, Elisabeth Karlik
Du 2 mars au 1er avril 2017 à 20h15 au Théâtre du Parc
En proie à l’insuccès, un directeur de théâtre vieillissant se morfond auprès de Cornélia, son assistante qu’il martyrise avec affection et habitude. C’est qu’il ne se facilite pas la vie puisqu’il a décidé de monter Faust. Pour cette pièce, six actrices se présentent afin de passer une audition qui durera de midi à minuit. Mais, peu avant midi, des décors sort un jeune et bel inconnu suffisant et doté de pouvoirs mystérieux. Il tente le directeur : que ne donnerait-il pas pour s’assurer à nouveau le succès ? Entre délire et rêve, les auditions et donc la pièce de Faust seront jouées et orchestrées par Méphistophélès.
C’est la troisième fois que Thierry Debroux se frotte au mythe de Faust, puisqu’il l’avait déjà approché dans Crooner (1991 et 2004) et Le Maître et Marguerite (2000). Aujourd’hui, il se lance dans un dépoussiérage en règle de ce classique écrit par Goethe au XVIIIème siècle (et basé sur un personnage réel!). Debroux procède par une mise en abime intelligente et audacieuse puisque, alors des comédiennes viennent toutes auditionner pour le rôle de Méphistophélès, elles sont dirigées par un directeur qui, pour s’assurer le succès, a lui-même cédé aux avances du diable. Nous avons donc là une pièce de théâtre (les auditions), dans une pièce de théâtre (celle que nous venons voir au Théâtre du Parc).
D’une réalité à l’autre les pistes sont brouillées, tout comme les styles de langage et de décor qui alternent sans heurts entre Faust et l’audition pour Faust. Cela donne lieu à une pièce décalée où la tragédie faustienne, basée sur un pacte avec le diable et un amour bafoué, côtoie un humour contemporain et une dénonciation du sort traditionnellement réservé aux femmes. Cela introduit aussi de la confusion, car il est parfois difficile de savoir où nous en sommes dans l’histoire. Alors que cela aurait pu être rédhibitoire, la pièce dégage une énergie telle, que si la raison est bousculée, cela gêne à peine le plaisir que l’on prend à assister à ce spectacle. Dans le doute, une petite lecture wikipédiesque permettra de se rafraîchir la mémoire quant au contenu de l’histoire.
Drôles, tragiques ou dénonciatrices, les comédiennes endossent des rôles multiples : tour à tour elles incarnent Méphistophélès, Marguerite, la voisine, la sorcière, etc.; par moment, elles se rassemblent et deviennent une entité ou un seul personnage; à d’autres, elles sont les actrices individuelles qui aspirent à obtenir un rôle. Pour les guider, il y a le directeur de théâtre faustien (Guy Pion) et Méphistophélès (Fabian Finkels) apparu des décors et qui se fait passer pour l’assistant. On prend conscience de la fluidité de leur jeu, car ils doivent parfois intervertir leur personnage; leur talent et leur adaptabilité sont alors évidents. Mais celui qui, magnétique, ravi le public comme une Marguerite, c’est Fabian Finkels. Dans ce rôle plein d’orgueil, d’assurance, de charme et de manipulation, il impressionne par sa grosse voix, son rire diabolique et sa prestance.
Enfin, ce « théâtre théâtral » ne déroge pas au style du Théâtre du Parc. La mise en scène, les costumes et les décors sont beaux, modulables et intelligents. On ne peut qu’en saluer l’ingéniosité.
Méphisto est à placer dans votre agenda sans attendre !