Memory
de Michel Franco
Drame
Avec Jessica Chastain, Peter Sarsgaard, Brooke Timber
Sorti en salles le 31 juillet 2024
Sylvia, mère monoparentale, mène une vie simple entre les réunions d’alcooliques anonymes et son job d’assistance sociale dans un centre pour adultes déficients. Sa fille Anna, 13 ans, semble lui apporter la douceur nécessaire face à un quotidien bouleversé par quelques traumas du passé. Mais quand Saul décide de suivre Sylvia, dans les rues sombres de New-York, jusque sur les quais vides des métros, le passé soigneusement mis de côté refait surface. Seulement, quelle place accorder au passé entre la démence précoce de Saul et le désir de le laisser enfoui de Sylvia ?
Un duo éloquent
Michel Franco, scénariste et réalisateur mexicain, notamment célèbre pour son film Después de Lucía (2012), a habitué son public aux scénarios ancrés dans une réalité parfois sombre. Sur fond du sujet #Metoo, Memory met en scène Jessica Chastain, d’une justesse et d’une douceur plus que notables, aux côtés de Peter Sarsgaard, récompensé par le Prix d’interprétation à la Mostra de Venise. Les plans souvent larges et la bande-son quasiment inexistante laisse toute la place au jeu remarquable des deux protagonistes. Les dialogues dans Memory sont suffisants, les regards et le contact des corps en disent bien plus, quand les mots semblent trop compliqués à trouver. Le casting est mince, mais les personnages sont si chargés en histoire qu’ils évoluent à l’écran dans une certaine réserve, à l’instar d’une timidité enfantine, quand l’âge de la raison a déjà été dépassé. On apprécie particulièrement la symbiose entre Jessica Chastain et Peter Sarsgaard qui se sont trouvés pour apporter à la relation de Sylvia et Saul une tendresse presque mystérieuse.
Tout est une question de présent
Plus qu’aborder des sujets tabous, Michel Franco crée des personnages tabous qui reflètent des peurs communes telles que la perte de mémoire ou la puissance des traumas éternels. Si la mémoire unit contradictoirement Sylvia et Saul, leurs drames personnels sont respectivement les violences sexuelles impossible à oublier, combinées à 13 années d’alcoolisme, et la démence qui efface sélectivement le passé. L’histoire de Memory n’est donc possible que dans le présent, ce qui en fait un film romantique finalement comme les autres, car c’est bien là le parti pris des histoires d’amour au cinéma, ne pas laisser nos origines interférer avec ce qu’il se passe tout de suite, aussi impossible que cela paraisse. Une histoire d’amour comme les autres ? Peut-être pas, cet amour qui s’installe doucement et apaise, on le comprend, beaucoup de blessures, laisse un goût de fragilité de chaque instant. Memory est une représentation sensible de l’amour : Sylvia et Saul ensemble, c’est la découverte d’une lumière qui ne peut exister que dans la complémentarité de deux êtres pourtant détruits.