Cela fait déjà plus de 32 ans que Dave Mustaine et son groupe Megadeth dominent la scène du Heavy-Metal. Autant dire que la réputation du groupe et de son leader n’est plus à faire. Après un Super Collider assez critiqué, voici que Megadeth nous présente un quinzième album : Dystopia.
Et le moins que l’on puisse dire, c’est que malgré le succès, malgré la carrière incroyable du groupe, la vie de celui-ci a connu beaucoup de hauts et de bas depuis la sortie du précédent disque.
Plusieurs annulations de concerts, des soucis familiaux chez les Mustaine. David Ellefson (le bassiste et seul membre originel du groupe aux côtés de Mustaine) qui dû faire face à la mort de son frère des suites d’un cancer. Et enfin, sans doute le plus dur du point de vue du groupe, le départ en novembre 2014 du batteur Shawn Drover et du guitariste Chris Broderick qui souhaitaient créer leur propre musique et explorer d’autres sentiers avec leur nouveau groupe, Act Of Defiance (dont je vous recommande l’album sorti l’été dernier).
Suite à ces départs, beaucoup de spéculations circulèrent sur le net. On assistait là une fois de plus à des changements de line-up qui nous rappelaient la triste époque des années 2000 où le groupe avait du mal à se stabiliser sans Marty Friedman et Nick Menza.
D’ailleurs, ces deux anciens membres furent conviés lors d’une réunion au célèbre salon NAMM pour discuter d’une éventuelle reformation du line-up dont beaucoup de fans rêvaient, celui de la fameuse époque de Rust In Peace, qui correspond aux années phares du groupe.
Mais de l’eau a coulé sous les ponts et tous n’ont plus le même état d’esprit. Chacun a évolué à sa façon et visiblement, les conditions proposées par Mustaine et le management ne conviendront pas aux autres qui en parleront d’ailleurs à divers médias. Bref, la réputation de Dave Mustaine en prend encore un coup et on se demande qui prendra la place de toutes ces légendes.
Mais ce dernier n’est pas du genre à se laisser abattre. Après s’être fait virer de Metallica, il avait créé son groupe en se disant qu’il serait meilleur, qu’il jouerait plus vite et ridiculiserait Metallica. La popularité de ses anciens amis à travers le monde ne va pas lui donner raison.
Néanmoins, Mustaine se crée son public et parvient à se hisser parmi les légendes du Metal à force de persévérer. Il connait des jours difficiles dans les années 2000 et doit arrêter sa carrière avant de revenir en force avec The System Has Failed en 2004.
Et comme il l’a fait dans le passé, Mustaine frappe à nouveau fort en revenant avec un nouveau line-up composé de Chris Adler (Lamb Of God) à la batterie et Kiko Loureiro (Angra) à la guitare.
Si l’on connait le talent du guitariste, le choix de Adler étonne dans un premier temps. En effet, la technicité de ce dernier en fait quelqu’un auquel on ne pense pas forcément pour ce poste qui demande un jeu plus carré et moins agressif que Lamb Of God.
Autant dire que pour ce nouvel album, Megadeth était attendu au tournant, chacun devant faire ses preuves.
Voici donc ce 15ème opus, Dystopia, premier fruit de cette nouvelle formation. (Pour rappel, une dystopie –ou contre-utopie- est, selon Wikipédia, un récit de fiction peignant une société imaginaire organisée de telle façon qu’elle empêche ses membres d’atteindre le bonheur, certains disent aussi que c’est une utopie qui vire au cauchemar et conduit donc à une contre-utopie.) Bref, Mustaine a toujours eu ce goût particulier pour nous dépeindre une vision apocalyptique de notre société et s’en est de nouveau donné à cœur joie. Pas de réelle nouveauté donc de ce point de vue (ou autrement dit, la vision de cet album reste dans la cohérence des précédents).
Tout ceci n’est pas vraiment étonnant et cadre bien avec la musique. Car vous allez le constater en écoutant cet album, on va retrouver ici un savant mélange de modernité (apporté notamment par le jeu des nouveaux venus) et quelques références au passé glorieux (surtout lors des solos).
Alors que Mustaine avait décidé d’aller de l’avant en modernisant et complexifiant de nouveau ses compositions dans les années 2000, le public, lui, demandait clairement un retour aux sources avec la présence de Friedman et Menza.
Le défi était donc de taille. Mais étant donné l’expérience de chacun des membres, on pouvait s’attendre à quelque chose de très bonne facture. Et nos attentes se sont vues plus que satisfaites à l’écoute de The Threat Is Real (la menace est sérieuse), premier morceau qui ouvre les hostilités.
Une intro aux sonorités orientales suivie d’un riff infernal à la guitare. La basse et la batterie viennent appuyer le tempo et le groupe se met alors en route. Un premier solo et place à cette voix rocailleuse de Mustaine et une rythmique bien soutenue. Un refrain bien balancé et un premier jet de Loureiro qui ne laisse pas de marbre. Le garçon laissera une première impression très positive, jouant de façon virtuose tout au long du morceau, amenant un déluge infernal (mais très fluide) de notes ainsi que quelques rappels de la période Rust In Peace pour certains phrasés. Bref, des solos de très haut vol.
Question démonstration, on en prend plein les tympans bien entendu avec Mustaine qui n’a rien perdu de son jeu et nous le prouve en nous réservant un phrasé du genre de Holly Wars. Loureiro lui répond avec un beau solo tout en nuances et en évitant de jouer trop vite et de faire de la vitesse un atout banal et lassant. Un morceau donc pimenté, qui envoie pas mal et qui nous donne un avant-goût très prometteur de ce qui va suivre.
Le second titre est en fait le titre éponyme de l’album et est composé de façon assez typique pour un titre de Megadeth avec une suite de notes conjointes et descendantes qui dominent les accords. Loureiro y fait là de belles démonstrations de son talent avec un tempo assez rapide qui donne du peps à l’ensemble.
Mais tout ceci est trop propre et harmonieux. On ralentit le tempo et voici donc Mustaine qui entre en scène en balançant un bend monstrueux ! On se dit d’ailleurs qu’il va y casser sa corde, c’est dire si l’exercice est extrême. Il nous sert là un solo bluesy bien gras ponctué d’un rappel bien évident au fameux titre Train Of Consequences, le seul morceau de Megadeth dans lequel le principal riff n’est pas fait d’accords ou de notes, mais bien de notes bloquées (muted notes) au son très caractéristique et obtenues simplement en posant ses doigts sur les cordes pour les empêcher de vibrer. Dystopia se termine sur un duo de guitare peut-être un peu trop simpliste et moins harmonieux que ce à quoi Mustaine nous avait habitué.
Qu’à cela ne tienne, le Fatal Illusion qui suit va nous plaire bien davantage avec cette intro chaotique qui nous rappelle le talent de Mustaine à briser les chaînes du genre musical. Ellefson nous offre ensuite un riff très typique de son jeu et donne le tempo avant que commence véritablement le morceau.
On remarque ici que Chris Adler s’est très bien adapté au groupe et fait des variantes rythmiques très bien placées sans en faire trop.
Ce morceau est un cran au-dessus au niveau composition. On revient éternellement à Rust In Peace lorsque les fans parlent de Megadeth. Mustaine a voulu faire plus fort et revenir carrément à l’époque de ses tout débuts avec une coupure nette et un riff qui nous ramène à cette bonne époque du speed metal comme on l’aime. Pas de doute, son problème aux nerfs est bel et bien disparu et il nous sert riffs ultra-rapides et solos incroyables. On dirait que le diabolique rouquin a de nouveau vingt ans !
Death From Within, un morceau plus groovy et lourd. On sent que l’on a plus misé ici sur la mélodie du refrain avec des voix plus soutenues que dans les précédents morceaux. Il est intéressant par exemple de noter le détail apporté aux parties de guitares dans ce morceau. Par exemple, lors du refrain, une guitare fait le rôle de la basse pendant que l’autre joue des suites de notes très complexes.
Intro à la caisse claire ensuite pour Adler sur le morceau suivant intitulé Bullet To The Brain. Une intro militaire aux allures lugubres jouée à la guitare acoustique avant que le mastodon électrique se manifeste et nous montre encore l’efficacité du groupe avec diverses variations rythmiques très intéressantes. Adler enfonce le clou pendant les couplets et groove merveilleusement pendant les refrains.
Là encore, que dire des solos ? Celui qui fera la fine bouche parmi les fans sera certainement un de ces irréductibles bornés qui ne voient que par le jeu de Friedman. Certes, l’homme a apporté les plus beaux solos de l’époque glorieuse, mais le travail fourni sur ce disque n’est certainement pas bâclé comme on aurait pu le craindre.
Il est vrai que malgré son talent, Chris Broderick semblait un peu à bout de souffle dans Megadeth et les deux derniers albums demeuraient clairement moins enthousiastes.
Ici, Kiko Loureiro prouve que non seulement il sait assurer pour ce qui est du passé mais surtout, fait preuve d’inventivité et d’audace quant à son jeu en proposant, entre autres, un début de solo très surprenant dans le morceau American World. (je vous laisse le découvrir et être surpris à votre tour.) Le reste des phrasés est sublime et rappelle tout de même Friedman.
On poursuit avec Poisonous Shadows, un titre qui joue plus sur l’émotionnel et plus abordable au commun des mortels. Mustaine montre ici qu’il sait toujours écrire des chansons simples mais efficaces comme il le fit dans les albums Youthanasia ou encore The World Needs A Hero.
Dans Conquer Or Die, nous avons là une superbe intro emplie de tension et exécutée à la guitare acoustique. Une prouesse que l’on avait plus entendue depuis des lustres et qui fait un bien fou aux oreilles. Autant dire que ce qui suit est tout aussi délectable et vous émerveillera. Si l’on doit retenir un morceau (qui plus est, instrumental), c’est certainement celui-ci ! Du très, très grand Megadeth.
On continue avec Lying In State, un morceau aux riffs en araignée dont est passé maître Mustaine. C’est typiquement le genre de morceau que l’on retrouve depuis la période The System Has Failed. Très efficace, ce morceau est néanmoins un de plus dans cette longue série que l’on reprochait à Mustaine. En gros, ça sonne bien, c’est pêchu, mais on a trop l’impression de l’avoir déjà entendu.
The Emperor sort totalement du lot. Beaucoup plus détendu et moins dans le ton du reste, c’est un morceau sympa à écouter mais qui ne restera sans doute pas parmi les préférés des fans.
Enfin, Foreign Policy, une reprise du groupe Fear, vient clôturer l’album. Mustaine reprend ici l’un de ses groupes préférés de punk hardcore. On se souvient d’ailleurs que sur son projet solo, MD-45, Mustaine avait alors demandé à Lee Ving, chanteur du groupe Fear, d’assurer les parties vocales de l’album.
On peut dire que tout le monde s’y retrouve dans ce quinzième album. Les compositions sont très bien ficelées, l’ensemble est cohérent et diversifié. Les nouveaux venus au sein du groupe font largement preuve de leur capacité à s’intégrer et à apporter un véritable plus à Megadeth.
Bref, Dystopia est certainement la plus belle réussite du groupe depuis des années et cela fait beaucoup de bien.
L’album est disponible dans sa version standard de 11 titres. Mais si vous vous procurez l’édition limitée, vous aurez droit à deux titres bonus et des lunettes spéciales pour visionner un contenu exclusif.