Mise en scène et chorégraphie de Vincent Glowinski, avec Vincent Glowinski accompagné de Aminata Abdoulayehama, Faustine Boissery, Raphaëlle Corbisier, Sorana Delhommeau, Mariama Dieng, Lore Huysmans, Chloé Larrere, Eline Leonard, Samuel Padolus, Edouard Pagant, Lionel Robyr, Silke Sarens, Laura ughetto
A partir du 12 avril au 17 avril 2016 à 20h30 au Théâtre National
Vincent Glowinski aime les formes : celles des os, des flammes, des méduses, des fœtus, qui peuplent un écosystème où se déploient les fonds marins, les créatures préhistoriques, les fossiles et les forêts. Dans Meduses, ce street-artiste reconnu de longue date sous le nom de Bonom, qui collabore avec Wim Vandekeybus, ancre plus que jamais son travail dans le corps. A travers un procédé technique touchant à la magie, il réalise un rêve dont la force et la simplicité brutale renvoient aux désirs primitifs et aux mondes originels, ceux-là même qu’il explore inlassablement dans ses graffiti, ses dessins et ses sculptures.
La technique est simple : Glowinski enduit ses bras, sa nuque et ses épaules d’une peinture blanche, et tandis qu’il bouge sur scène, dos au public, une caméra capte ses mouvements et les projette sur un grand écran disposé derrière lui. D’une chorégraphie abstraite, faite de courses dans l’espace, de sauts et de balancements de bras, naissent des formes organiques extraordinairement vivantes, composées de filaments de lumières, aux reliefs évoquant la nacre ou le corail. L’atmosphère minérale ou aquatique, soutenue par la musique live (guitare et batterie) d’Elko Blijweert et Teun Verbruggen, se peuple peu à peu d’un groupe d’humains, autres peintres danseurs, qui se pressent sur scène, se frôlent, se croisent, se touchent. Grâce à un décalage dans la captation de la vidéo, on jurerait qu’ils sont des dizaines, catapultés les uns contre les autres, corps et matière devenant de petites boules de feu et de couleur tourbillonnant sur la toile-écran. D’autres expérimentations techniques dérivées des mêmes procédés donnent aussi cette étrange impression, quand les humains surgissent, que l’espace est toujours à recomposer, que les traces des corps se recouvrent sans cesse, que les images sont le premier signe d’effacement.
Le résultat, graphiquement saisissant, acquiert alors une profondeur et une beauté supplémentaire par l’onde de mélancolie qui traverse Méduses et lui évite de n’être qu’un exercice esthétique. Quand Glowinski, comme un archéologue, dévoile en les éclairant d’une petite lampe les corps apparaissant simultanément sur l’écran, on devine une tentative qui tient à la fois d’une mystique physique de l’art et déjà, peut-être, d’un regret face au présent qu’il ne sauvera pas. L’obsession de la forme et du mouvement, l’entêtement de Méduses à faire surgir quelque chose plutôt que rien, depuis l’air où les corps s’agitent, se teinte ainsi d’un étonnant pouvoir de consolation pour nos mondes éphémères.