Auteurs : Cédric Fabre, Patrick Coulomb, Christian Garcin, François Thomazeau, Marie Neuser, Minna Sif, François Beaune, Philippe Carrese, Salim Hatubou, René Frégni, Serge Scotto, Pia Petersen, Emmanuel Loi, Emmanuelle Bayamack-Tam
Editions : Asphalte
Sortie : mai 2014
Genre : Polar, anthologie
La Collection Asphalte Noir veut explorer le Marseille Noir. Il a confié la tâche de rassembler une série d’histoires, au journaliste et écrivain Cédric Fabre. Ce sont 14 histoires écrites par 14 noms de la littérature qui sont, d’une façon ou d’une autre, attachés à Marseille soit par la naissance soit par l’adoption. Le livre est divisé en quatre parties : Mythologies, Errances, Sale et Rebelle et Toujours en Partance. On parcourt cet endroit où d’emblée on est plongé dans ce qui fait l’essence même de cette ville, que ce soit Endoume, le Stade Vélodrome, Le Panier, l’Estaque, Longchamps, La Cayolle, le Vieux-Port, … des endroits qui engendrent souvent la criminalité au sens le plus large. La première partie est d’ailleurs consacrée aux « Mythologies » qui nous dévoilent cette tradition du crime « organisé ». La deuxième partie s’intitule « Errances » et là, on rencontre des personnages qui déambulent dans une ville qui est à la fois refuge et sortie sans issue. Dans « Sale et Rebelles », François Beaune nous délecte avec une traversée du bus 49 à travers « La Belle-de-Mai », un quartier catalogué comme étant le plus pauvre d’Europe. Les autres contes ne sont pas en reste et ils nous montrent comment la ville façonne ses habitants. Dans la quatrième partie, « Toujours en partance », c’est Cédric Fabre qui clôture la série de contes avec La Joliette. Joliette Sound System.
En lisant ce recueil, nous nous plongeons dans ce que Fabre appelle la « ville-monde », « le carrefour des peuples d’Europe et de Méditerranée, ville d’accueil pour tous les migrants et tous les exilés ». Que ces histoires soient présentées comme des polars ou comme des nouvelles, ce qu’elles ont en commun c’est le réel penchant des habitants pour cette ville qui finalement est la protagoniste. Les autres personnages ne sont là que pour mieux la raconter dans ses mythologies, ses errances, sa saleté et sa rébellion. Finalement Marseille, la ville de tous les possibles reste la ville ou rien ne sera jamais fini. Les gens qui y habitent s’enfoncent de plus en plus et deviennent de plus en plus abrutis. L’inertie et l’inaction : deux maladies contagieuses font le reste dans une ville qui part à la dérive.
Marseille Noir n’est pas une anthologie de plus de la série des « Villes noires ». Ici, on sent vraiment la ville, on a l’impression que c’est elle le personnage principal de toutes les nouvelles. C’est elle le héros. Les personnages secondaires sont fantasques et fripouilles, toujours railleurs et « fiers d’être marseillais ». Dans cette ville, la réussite sociale est à peine évoquée. Dans « En sursis », Emmanuel Loi dit « A Marseille, on ne balance pas, on ne se prononce pas, … ». Pour Marie Neuser, Marseille « n’est pas une ville, c’est une agglomération, un conglomérat de constructions arbitraires » où « Aucune interdiction n’a jamais fait reculer qui que ce soit ». Dans le chapitre « Sale et Rebelle », François Beaune nous fait monter dans le bus 49 qu’il qualifie de télé-réalité, avec lui on traverse « La Belle-de-Mai » et c’est absolument extraordinaire, à mesure qu’il raconte, on est transporté dans la ville qui « est un filet qui ramasse la merde de tout le monde ».
Ce livre est un guide de la ville mais détrompez-vous, on n’y apprend pas l’histoire des monuments, ici on vit la vie des habitants et de leurs quartiers. On entre dans le plus profond de l’histoire individuelle et collective d’une ville fascinante et l’on s’aperçoit que Marseille c’est l’OM, les trafics, les règlements de compte et les magouilles. Marseille pour un étranger, c’est une culture difficile à cerner.
Toutes les nouvelles ont quelque chose de fascinant, à la lecture de chacune d’elles on se dit que celle-ci est encore plus captivante. Le Frioul de Marie Neuser où la protagoniste dialogue avec son sac est particulièrement original. S’il est vrai qu’elles ne sont pas toutes de qualité égale, on a tout de même l’impression qu’au fil de la lecture, les unes finissent par dépasser les autres.
Au final, le livre s’achève et on se dit : « j’étais à Marseille cet après-midi ».