Marlowe
de Neil Jordan
Film noir, Thriller, Policier
Avec Liam Neeson, Diane Kruger, Jessica Lange
Sorti le 15 mars 2023
1939, non loin de Los Angeles, le détective privé Philip Marlowe est contacté par la riche et belle Clare Cavendish afin de retrouver la trace de son amant, mystérieusement disparu. Sortant d’une carrière en dents de scie, Marlowe va devoir se replonger dans les bas-fonds de la Cité des Anges pour élucider une affaire bien plus complexe qu’elle n’y paraissait au départ.
Adaptée du roman The Black-Eyed Blonde de John Banville – ouvrage publié en français par les éditions Robert Lafont en 2015 sous le pseudonyme de Benjamin Black (puis en format poche par les éditions 10/18) -, cette nouvelle réalisation de Neil Jordan soufflait le chaud et le froid auprès des cinéphiles avant même sa sortie. En effet, entre un réalisateur perdu depuis les années 90 dans des productions de niche, non rentables (qui a vu Byzantium ?), et un Liam Neeson nous sortant chaque année un simili-Taken aux scènes d’action de plus en plus lentes (Memory, Blacklight, Honest Thief, Cold Pursuit, The Commuter, Run All Night, etc), le doute était clairement de mise. Mais à décharge, il fallait bien admettre que la précédente collaboration entre les deux Irlandais, Michael Collins (1996), était de très bonne facture.
Côté scénario, Marlowe nous emmène dans l’industrie cinématographique hollywoodienne de la fin des années 30, en 1939 plus précisément. Un saut dans le temps – le roman se déroule en 1950 – comme forme d’hommage à la figure du personnage de Philip Marlowe, né sous la plume de Raymond Chandler en 1939. Mais au-delà du clin d’œil, l’idée est de surcroit très intéressante. D’une part, car l’Amérique des années 30 demeure une terre fertile aux histoires de gangsters et de société chancelante (crise de 1929, Grande Dépression, chômage élevé, économie en berne, la naissance des syndicats, la montée des nationalismes, …). De l’autre, car l’industrie cinématographique hollywoodienne est alors en pleine mutation et esquisse les contours du cinéma actuel. Que ce soit d’un point de vue technique comme l’apparition du son quelques années plus tôt ou la couleur et le fameux procédé Technicolor. Mais aussi et surtout, d’un point de vue scénaristique. C’est en effet lors de cette décennie que vont, dans le sillage des problèmes sociétaux, émerger des films sociaux comme Les Raisins de la colère de John Ford et Les Temps modernes de Charlie Chaplin, et les films noirs, voire de gangsters, comme Scarface d’Howard Hawks ou Le Faucon maltais de John Huston.
Ce qui nous amène à Marlowe. Pour les raisons énumérées précédemment, le long métrage puise toute son essence technique dans les films noirs des années 30-40 : tournages en extérieurs plutôt qu’en studios, couleurs saturées pour exacerber l’ambiance glauque ou anxiogène d’une scène, plans américains, costumes soignés et codes féminins à la Scarlett O’Hara, tout y est. Oui mais voilà, là où l’hommage semble s’arrêter, c’est dans le développement de l’intrigue et le traitement de l’enquête. Et pour cause, la trame est simple, voire trop simple. Si elle s’immisce en filigrane dans le premier quart d’heure de bobine, elle pêche de grosses ficelles passé ce laps de temps. Tout y est couru et déjà-vu.
Enfin, ça cause, et ça cause trop ! Il y a de fait dans cet héros fatigué, une logorrhée assommante qui, même si elle n’est pas dénuée de second degré et de phrases truculentes, est un peu inutile et perd le regard du spectateur dans une lecture de sous-titres plutôt que dans des décors nécessaires à l’imprégnation de l’ambiance. Logorrhée tout aussi dommageable pour le public anglophone pour qui les longues tirades soutenues d’un regard arrogant auront tôt fait d’exaspérer.
En résumé, Marlowe est un bon film noir, fidèle au genre dont il se revendique et truffé de « cinéma ». On regrettera cependant une lecture trop facile, un détective trop lisse et une interprétation trop conventionnelle voire légère d’un roman qui l’est, au final, peut-être tout autant.