Texte d’Aïko Solovkine. Mise en scène du Collectif Sanguin. Avec Lénaïc Brulé, Yannick de Coster, Adrien Hoppe, Anaïs Spinoy. Du 15 au 26 janvier 2019 au Théâtre de la Vie.
Le 15 janvier, le collectif Groupe Sanguin créait son nouveau spectacle Mare Nostrum au Théâtre de la vie, travaillant pour la troisième fois la littérature belge contemporaine.
Déchaînée, la tempête, durant de longues journées rythmées par l’attente, enchaîne au port les chalutiers. Au village aussi les esprits sont rassemblés par l’espoir de voir cette tempête se calmer. On craint le vent soufflant trop longtemps dans la mer et ses courants… une mauvaise saison de pêche supplémentaire rimerait avec misère car l’économie en dépend.
Finalement, quand le temps devient plus clément, c’est la misère d’outre-mer que remontent les pêcheurs dans leurs filets. La pêche est bonne et même trop bonne car elle comprend ces drôles de poissons. Le genre de ceux qu’on rejette à la mer. Non sans réflexion. Car au fond, si on commet l’inavouable jour après jour c’est que la procédure est gourmande de temps et d’argent. On procède alors autrement : “Jeter les corps à la mer, nettoyer les poissons et rassurer les vivants.”
Étrangement, quand le temps devient plus clément, c’est le calme qui cesse avec la tempête et bientôt c’est la tension qui, progressivement, emporte les membres d’un de ces chalutiers. Leur silence, censé maintenir la distance entre les pêcheurs et les repêchés, est brisé par des mots griffonnés en fin de journée dans un carnet. Personne ne veut entendre parler “d’Africains crevés”. Pourtant ils en sont hantés, et par eux tristement liés.
Les mots sont crus, la Belge Aïko Solovkine en est l’auteure. À travers le travail de ce texte contemporain, le Groupe Sanguin souhaite mettre en perspective les jugements moraux et interroger la (non)mise en pratique des idéaux qui nous animent. Leur interprétation, bien rythmée et captivante, en donne un ton d’abord léger et drôle, ensuite angoissant, et toujours juste. Trempés malgré leurs cirés, les quatre acteurs communiquent à la salle tantôt le sentiment d’ennui du quotidien tantôt le traumatisme face à l’horreur, sans pour autant ni l’ennuyer ni la faire larmoyer.
Sur scène la mer s’agite, les bourrasques s’abattent sur les pêcheurs fatigués, les chaines claquent sur le sol, les poissons se déversent des filets par centaines ou la radio grésille dans le silence. La scénographie répond ainsi créativement à la plume efficace (et non théâtrale) de Solovkine.
Une création très réussie à aller applaudir au Théâtre de la vie jusqu’au 26 janvier, à 20h du mardi au samedi.