auteur : Yvonne Adhiambo Owuor
édition : Actes Sud
sortie : avril 2017
genre : roman
Premier roman d’Yvonne Adhiambo Owuor, La maison au bout des voyages revient sur le passé tourmenté du Kenya, pays blessé et meurtri par les brûlures de son histoire nationale et coloniale, à travers la double quête d’une nouvelle génération déterminée à déterrer des secrets de famille pour en savoir plus sur leur filiation.
La jeune artiste Ajany, tout juste rentrée du Brésil après des années d’absence, ramène à la maison natale la dépouille de son frère Odidi, tué par la police à Nairobi dans un contexte de violences électorales. Tout comme elle, ses parents sont dévastés par le deuil. Face à cette rude épreuve, chacun se replie sur lui-même. Au même moment, un étranger anglais, Isaiah Bolton chemine à travers les paysages arides et poussiéreux du Nord du Kenya. Ses pérégrinations le mènent à Wuoth Ogik, dans la maison aux pierres rouges où vivent les parents d’Ajany. Il cherche son père, ancien officier britannique disparu depuis sa naissance, ayant construit cette bâtisse dans les années soixante. Tandis qu’Ajany repart pour Nairobi et tente de rassembler les ombres de son frère pour comprendre son destin tragique, Isaiah poursuit ses recherches en plongeant dans le passé familial des Oganda.
D’elle à lui, le récit nous emporte dans les méandres de l’histoire d’une famille peuplée de fantômes, habitée par une angoisse viscérale. Entre superstitions, meurtres et folies, le roman livre peu à peu ses mystères et ne ménage pas beaucoup de moments légers.
La maison au bout des voyages est un roman qui se mérite. Pour réussir à y entrer, il faut d’abord accepter de baisser la garde et renoncer au connu. Il faut ensuite bien vouloir se laisser mener dans un espace infini et désolé, se familiariser avec une écriture teintée de mots étranges. Et puis, il faut aussi lutter pour en apprendre plus sur les nombreux personnages de ce récit alambiqué. L’écriture palpitante d’Yvonne Adhiambo Owuor secoue la fiction avec ses phrases courtes, sèches et cinglantes. Mais de nombreux silences, non-dits et de sous-entendus parsèment l’histoire. L’auteure trouble les pistes, trace des lignes de fuite et il n’est pas toujours aisé pour le lecteur, en manque de repères géographiques et chronologiques, de comprendre ce roman foisonnant à la poésie âpre et désenchantée.
Ce livre enraciné rend aussi hommage au Kenya, pays à la beauté tragique qui s’est consumé de l’intérieur par l’intensité de ses trafics en tous genres.
Née en 1968 au Kenya, Yvonne Adhiambo Owuor a été récompensée avec La maison au bout des voyages par la plus haute distinction littéraire kényane (le Jomo Kenyatta Prize for Literature) en 2015. Son livre a été traduit de l’anglais par Françoise Pertat.