Titre : Lune de miel, le baiser du sphynx
Auteur.ice : Bastien Vivès
Edition : Casterman
Date de parution : 05 février 2025
Genre du livre : Thriller
Après un silence de plusieurs années et une pseudo autobiographie publiée dans une toute jeune maison d’édition, Bastien Vivès revient à la fiction. Alors qu’il s’est auto-saboté, en éructant des propos misogynes et en incitant à la pédopornographie, il semblerait que Vivès ait réussi à regagner la confiance de son éditeur Casterman. Mais mérite celle du public ? Rien n’est moins sûr.
Auteur réputé notamment pour sa productivité – avec régulièrement plusieurs ouvrages publiés la même année – Vives s’était vu offrir une mise au vert forcée il y a trois ans. À l’époque, l’exposition inédite que lui consacre le festival Angoulême fait polémique. En cause, un ouvrage paru quatre ans plus tôt dans lequel le Petit Paul, un garçon de dix ans, est doté d’un organe génital pas si petit que ça. En fait son pénis est tellement grand que les femmes de son entourage ne peuvent résister à la tentation d’en profiter. Sur la seule image que l’on peut encore trouver – l’album ayant été censuré depuis – le Petit Paul confond la poitrine disproportionnée de sa sœur (décidément, c’est de famille !) avec le pi d’une vache. À partir de ce moment-là, la machine s’enraie. Sont exhumés des ténèbres de sa carrière, conversations et messages à caractère misogyne et pédopornographique.
Lune de miel. Lune de fiel. D’une certaine manière, le cas Vives, c’est un peu le Polanski du neuvième art. L’homme à abattre, celui contre lequel la vindicte populaire a été inflexible. À la différence du cinéaste, ce ne sont pas des actes qui lui sont reprochés. Mais son iconographie et ses paroles. Les défenseurs de l’auteur exploitent d’ailleurs cet argument et invoquent la sacro-sainte liberté d’expression. Comme toujours. Mais l’opinion est clivée, penchant plutôt en sa défaveur. Nombreuses associations qui luttent contre l’inceste rappellent les limites légales de ce droit. Vivès, acculé, se tourne alors vers l’autobiographie qu’il dit exécrer, comme pour justifier l’œuvre plaintive et égocentrée qu’il s’apprête à produire. Sous couvert d’humour, La vérité sur l’affaire Bastien Vivès prend la forme d’un plaidoyer anti-wokiste.
Après un temps de décantation, donc, Bastien Vivès revient finalement à la fiction. Mais vu le silence inhabituel de la presse mainstream, on peut se demander si celui qui fut longtemps considéré comme un prodige de son art ne s’est pas brûlé les ailes. Bien sûr, Vivès aplanit les angles dans Lune de miel. On compte tout de même parmi les personnages, des femmes dont les corps défient les lois de la gravité. Mais pour le reste, il s’agit d’un thriller dans ce qu’il a de plus anodin.
Sophie et Quentin ont fait garder leurs enfants pour s’offrir une petite échappée en Grèce. Le cadre est idyllique, jusqu’à ce qu’une vague connaissance cokée jusqu’aux dents vienne leur gâcher le soleil. Oliver leur propose une petite fête sur son rafiot – rien d’extraordinaire à l’entendre. Mais l’embarcation est, en fait, un yacht, meublé de pièces rares et cachant une collection de bande dessinée dont la valeur est inestimable, surtout aux yeux d’un Quentin passionné. Sauf qu’avec le luxe, viennent les emmerdes. Oliver se révèle être un âne, doublé d’une mule. Dans un rythme soutenu, Vivès parvient à maintenir la tension. Un thriller océanique, classique, mais sans vagues. Une bande dessinée relativement bien ficelée mais dont la réception laisse présager, à raison, le déclin d’une carrière.