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    La Lucarne : les bons, les brutes et le truand

    Hier, les aficionados du ballon rond se sont retrouvés sur les bords du canal Saint-Martin pour la quatrième édition du Festival La Lucarne. Dans la salle de spectacle du Point Ephémère, les trois films présentés ont à chaque fois fait salle comble. Il faut avouer que, au-delà de l’éclectisme de la programmation, celle-ci était d’une qualité sans nulle pareille alternant habilement la comédie et le drame, la fiction et le documentaire.

    Les bons : Le Terrain

    Direction la banlieue parisienne, et plus précisément la municipalité d’Aubervilliers, pour ce documentaire filmé en caméra passive la plupart du temps. Suivant l’ascension footballistique des jeunes espoirs de l’équipe locale, l’équipe de Xabi Molia a voulu montrer la vie de ceux pour qui le football est devenu plus qu’un loisir récréatif. Si le cursus sportif est assez similaire aux autres centres de formation du pays, c’est face à une réalité financière et contextuelle difficile que sont confrontés quotidiennement les formateurs du club. De fait, le joueur talentueux est ici, plus qu’ailleurs, l’objet de toutes les attentions. L’occasion peut-être pour ce jeune de sortir de la misère, de se construire un avenir meilleur, mais aussi et surtout… de changer le statut social de toute sa famille.

    Ce documentaire travaille deux sujets convergents. D’une part, l’épopée sportive des jeunes issus de banlieues réputées difficiles. Et de l’autre, l’important rôle social d’un club de ce genre. Pour le premier point, les réalisateurs auraient presque pu filmer n’importe quelle formation française à forte densité de joueurs. Et pour cause, chacun aspire à devenir professionnel, quel que soit son origine sociale, pour peu qu’il ait rassemblé toutes les conditions techniques nécessaires à attiser la curiosité de clubs de haut niveau. Par contre, la seconde approche de la réalisation révèle bien plus de complexité. En laissant trainer sa caméra aux quatre coins de l’unique terrain du club francilien, Xabi Molia a laissé transparaitre la détresse sociale des quartiers adjacents. Subissant une pression forte de la part de leur entourage, les jeunes footballeurs n’ont d’autres choix que de réussir là où seul 1 espoir sur 1000 est retenu. Une prouesse divine en quelque sorte.

    Dans la salle, Le Terrain a enchanté les spectateurs de par son voyeurisme éclairé. Symbole de malaise social, mais aussi d’espoir grâce aux éducateurs se donnant corps et âme à leurs objectifs de réussite pluridisciplinaire, ce documentaire est à voir assurément.

    Les brutes : Mean Machine

    Seule fiction – et c’est bien dommage – de cette édition, Mean Machine (Carton Rouge) nous renvoie quinze ans en arrière avec un remake du film américain The Longest Yard de Robert Aldrich, transposé pour le coup du football américain.

    Pour celles et ceux qui ne l’ont jamais vu, ce film est un ovni tant scénaristique que visuel. Le scénario très pauvre nous propose de suivre les péripéties de Danny Meehan, ancien capitaine de l’équipe d’Angleterre de football, au sein d’un pénitencier où il purge une peine de trois ans pour avoir frappé deux policiers. S’ensuit alors un match entre les prisonniers et les matons dans lequel Danny a tout à gagner mais aussi tout à perdre, le tout dépendant du côté qu’il choisira.

    Vous l’aurez compris par vous-même, la réalisation de Barry Skolnick ne vole pas haut. Pourtant, elle possède tous les ingrédients pour devenir culte. De ce fait, Mean Machine est axé autour d’une poignée de personnages charismatiques. Leurs frasques, toutes plus loufoques les unes que les autres, sont alors mises en avant par le script pour en faire un film à sketchs, une sorte de mimèsis carcéral à la sauce crampons.

    Malgré cela, on ne peut que déplorer le manque de cinéphilie du réalisateur, ce dernier alternant les plans de manière aléatoire et offrant une photographie des plus détestables. Mais soit, nous avons passé un bon moment et c’est bien là l’essentiel. En outre, ce film est l’occasion de revoir un Jason Statham à ses débuts et un Vinnie Jones fidèle à lui-même.

    Le truand : Istanbul United

    Présenté en soirée, le documentaire Istanbul United était probablement le plus attendu de la journée. Et nous pouvons dire que nous n’avons pas été déçus. Retraçant les rivalités historiques et violentes entre les trois clubs principaux d’Istanbul – Galatasaray, Fenerbahce et Besiktas -, le documentaire de Farid Eslam et Olli Waldhauer montre dans un premier temps l’aspect détestable du football : ses hooligans et le côté néfaste du fanatisme.

    Mais voilà, le long métrage met ensuite en lumière le rôle crucial de ces ultras dans les manifestations de la place Taksim visant à protéger le parc Gezi. Au départ initié par un mouvement écologiste, l’élan protestataire s’est très vite mué en révolte populaire face aux répressions violentes du gouvernement. Les supporters des trois équipes se sont alors alliés pour apporter leur expérience dans les affrontements face aux policiers.

    En tant que pacifiste, il est très difficile d’accepter l’état de fait proposé ici. Comment dédouaner la responsabilité de ces groupes fanatiques dans les débordements quelques fois meurtriers se déroulant autour des matchs de football ? Mais aussi, comment remercier ces gens d’avoir aidé le peuple à lutter contre les dérives du pouvoir en place ? Le documentaire n’a évidemment pas vocation à répondre à ces questions, laissant le public pantois et interrogatif.

    Seule évidence, le plus grand truand n’est pas celui qu’on croit et il pourrait bien s’agir de Recep Tayyip Erdoğan et de son gouvernement.

    Matthieu Matthys
    Matthieu Matthys
    Directeur de publication - responsable cinéma du Suricate Magazine.

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